REYNALD SECHER RECOMPENSE PAR LE PRIX COMBOURG-CHATEAUBRIAND

Publié le par culture

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En ce samedi 6 octobre 2012, brumes et pluie sur l’imposant château de Combourg, maison d’enfance de « l’enchanteur », François-René de Chateaubriand…. C’est dans cette demeure prestigieuse, en présence de la Comtessede La Tour du Pin Verclause et de son fils, que, chaque année, est remis le Prix Combourg. Ce prix littéraire français, créé en 1998, récompense un écrivain dont le style honore l’œuvre de Chateaubriand. Parmi les précédents lauréats, de grandes signatures : Marguerite Castillon du Perron, Michel David-Weill, Jean Raspail, Jean-Maurice de Montremy, Francis Huré, Jean-Christian Petitfils, Marc Fumaroli, Régis Debray, Jean d’Ormesson, Gérard Leclerc, Philippe Barthelet, Philippe de Saint Robert.

Cette année, le jury du prix Combourg, par la voix de son président, Philippe de Saint Robert, a décerné cette récompense à Reynald Secher pour l’ensemble de son œuvre, et plus particulièrement pour son dernier ouvrage «Vendée, du Génocide au Mémoricide », paru en octobre 2011.

Le lauréat 2011, Christophe Barbier, directeur de l’Express, est chaleureusement remercié de sa présence à Combourg, en dépit d’un emploi du temps chargé, par le Président du jury et Hervé Louboutin, fondateur de cet évènement littéraire.

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Avant de remettre le Prix à Reynald Secher, Christophe Barbier prend la parole pour saluer l’importance, la qualité, la rigueur des recherches de Reynald Secher en soulignant avec force et admiration son travail d’écrivain, de journaliste (belle reconnaissance !!) et tout simplement son travail d’homme. Et de conclure par une phrase qui va ouvrir une des plus belles joutes oratoires, aux dires des fidèles de cette remise de prix, que l’on ait pu entendre dans ce salon où plane l’esprit de Chateaubriand :

« Me voici ému, touché, ébranlé par la lecture de ce livre, beaucoup plus près aujourd’hui de votre position, mais pas convaincu, et je vais vous dire pourquoi ».

Christophe Barbier déroule ensuite sa brillante démonstration avec l’intelligence et la force de conviction que l’on connait. Est-ce un génocide ?

« Bien sûr, la liste des horreurs est édifiante, d’autant plus qu’elle est examinée à la loupe de notre humanisme actuel. Toutes les violences commises en Vendée nous paraissent insupportables, et cependant, peut-on employer le terme « génocide » ?

Le génocide peut se définir par le fait de tuer quelqu’un pour ce qu’il est, pas pour ce qu’il fait. Or, les Vendéens étaient dans le « faire » et pas dans « l’être ». Le cœur porté par ces combattants est un signe de ralliement, un acte politique qui peut justifier la détermination des Bleus. L’acte politique se reconnaît aussi dans le refus de la conscription qui s’inscrit dans une logique de sécession. Jusqu’en 1793, il s’agit d’une guerre civile ; avec les lois d’août et d’octobre, il s’agit d’un crime d’Etat, d’un crime de masse avec la panoplie des crimes de guerre et toutes les caractéristiques d’un crime contre l’humanité. Les Vendéens se battent pour un projet politique différent de l’objectif républicain, d’où la poudrière politique…

A ce stade de la controverse, Christophe Barbier sourit en avouant avoir l’impression de se « faire l’avocat du diable «  et ajoute, à plusieurs reprises d’ailleurs, "être là pour apporter la contradiction en soulignant qu’il s’attend à une réaction vive !!"

S’il ne s’agit pas d’un génocide, de quoi parle-t-on ? D’un système de dépopulation, mieux d’un populicide, selon le terme de Gracchus Babeuf : éradiquer une population pour des raisons politiques. La Vendée était devenue une idée, celle d’un autre régime possible.

 Paradoxalement, la Restauration n’a pas servi la mémoire des victimes vendéennes.

"L’abrogation des lois de 1793 serait une bonne idée si elle est associée à un débat national, à l’érection de monuments et la construction de musées. Il faut aussi rétablir l’Histoire et rendre compte de l’intégralité des horreurs commises en Vendée."

Dans le cas d’une reconnaissance universitaire, d’une union nationale autour de la reconnaissance du génocide, Christophe Barbier termine en promettant son ralliement aux idées de Reynald Secher.

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Après avoir reçu le prix Combourg 2012 et remercié chaleureusement Hervé Louboutin, Madame de La Tour du Pin, les combourgeois par l’intermédiaire de leur maire, et ses quatre enfants présents, Reynald Secher évoque avec émotion les liens qui l’ont très tôt, dès l’enfance, attaché à la belle ville de Combourg. C’est là aussi qu’il finalisa son DEA, qu’il fut enseignant et qu’il écrivit, de 1983 à1985, sa thèse sur la génocide, sous l’impulsion de son maître et ami Jean Meyer à qui il rendra hommage lors de la conférence prévue un peu plus tard à la médiathèque.

Se définissant comme démocrate par rapport au sentiment républicain de Christophe Barbier, il met l’accent aussi sur ce qui les unit : l’humilité indispensable sur ce sujet, la méthode et la quête, tout aussi essentielles. Et, pour répondre au fair-play de son interlocuteur, il avoue en souriant l’avoir un peu craint, ne le connaissant pas personnellement mais très au fait de sa grande intelligence ! Reynald Secher répond donc aux arguments développés par Christophe Barbier.

Comme lui, il convient d’accepter la première partie de la Révolution. En revanche, le système terroriste qui en caractérise la deuxième partie n’est pas un système d’Ancien Régime : par nature, cela n’a pas existé auparavant.

"En Vendée, jusqu’au 26 juillet 1793, on peut qualifier la guerre de guerre civile : 70 % du territoire est en insurrection contre un système liberticide. C’est l’application d’un droit naturel, inscrit dans la Constitution, contre un système totalitaire. A partir du 26 juillet, les membres du Comité de Salut Public ont conçu l’idée d’exterminer l’autre pour ce qu’il est (Barrère est l’instigateur de ce système d’élimination). Est appliquée une première loi (1 août 1793) qui impose la déportation (en général, des femmes et des enfants) et l’extermination de tous ceux qui restent. Une deuxième loi (1 octobre 1793) exigera le massacre en bloc (hommes, femmes, enfants) d’une population délimitée géographiquement, pour ce qu’ils sont. C’est la seule fois, dans l’Histoire de l’humanité, où le peuple souverain vote et fait exécuter l’anéantissement de toute une population. Même les officiers de l’armée républicaine, opposés à ces massacres, seront exécutés."

Quatre plans d’extermination de la Vendée, développés plus amplement dans la conférence ultérieure, seront dressés et dureront un an, jusqu’à Thermidor qui met fin à ces tragiques évènements.

C’est le crime d’un nouveau système terroriste, que l’on ne peut décrire faute de mot : Gracchus Babeuf parle de « populicide » qui est la dénomination juste, mais hélas non reconnue. Dommage : on aurait pu anticiper le XXe siècle. Le polonais Rafaël Lemkin dénonce les crimes du régime soviétique : il n’est pas entendu, car le mot n’existe pas pour les décrire, et il invente le mot génocide. Churchill, Pie XII seront dans le même cas.

Le droit international récupère le terme génocide et en établit la définition dans laquelle on peut inscrire les Vendéens : groupe humain politique et religieux que l’on tue pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait…. Le crime de génocide est un concept rétroactif grâce auquel les crimes nazis, les massacres des arméniens peuvent être condamnés.

Reste le problème de la mémoire, de l’inversion des valeurs (le système républicain honore les criminels –Barrère, Turreau, Carnot- par des monuments, la manipulation de l’Histoire, et oublie les victimes), et de l’injustice : les Vendéens avaient honte de leur histoire, humiliés par des sobriquets (ventre à chou !!). Il est temps de leur redonner leur fierté. A noter aussi, jusqu’en 1983, le grand silence de l’université française…

En conclusion, Reynald Secher insiste sur la phrase : c’est le mot qui fait l’acte, en l’occurrence, le mot génocide qui pose le fait de l’extermination. Il faudra lui joindre celui de mémoricide, qui peut à l’avenir permettre d’éviter la négation de massacres (il n’y eut aucun colloque sur la guerre de Vendée lors du bicentenaire de la Révolution française). C’est une Histoire connue et reconnue qui nous permettra d’aller sereinement vers le futur.

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La journée s’achève par une nouvelle conférence de Reynald Secher à la médiathèque de Combourg, après une intervention d’Hervé Louboutin qui salue le « débat vertigineux » entre les deux intervenants et la remise de la médaille de la ville par le maire de Combourg à Reynald Secher.

Nadine

Secrétaire du Souvenir Chouan de Bretagne

Texte et photos

L'article complet paraitra dans La Revue de décembre 2012 du Souvenir Chouan de Bretagne

 

 

 

 

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