26 THERMIDOR AN VI, LUNDI 13 AOÛT 1798, LUNDI 13 AOÛT 2018

Publié le par culture

26 THERMIDOR AN VI, LUNDI 13 AOÛT 1798, LUNDI 13 AOÛT 2018

 

Il y a 220 ans, jour pour jour, à Metz, l’abbé Antoine Nicolas est fusillé.

Notons que depuis l’arrivée aux affaires, le Directoire ne guillotine pas les prêtres : ils sont fusillés après avoir été condamnés à mort par une Commission militaire, sous l’accusation d’émigrés-rentrés. Ce qui est un nouveau mensonge faisant partie des « valeurs de la république »chères à nos politiciens actuelles. Le Directoire semble vouloir assimiler à des combattants ces prêtres en leur  appliquant la fusillade réservée aux combattants. Alors qu’ils ne sont que les Soldats de Dieu. Mais il y a aussi la raison que les tribunaux, normalement concernés par le Droit pénal dont relèvent ces « contrevenants », n’ont plus rien à voir avec les tribunaux de la Terreur ; les magistrats sont très souvent des bourgeois qui cherchent à ménager leur clergé fidèle et se sont contentés, majoritairement, d’un simple rappel à la loi.

La loi du 26 août 1792 faisait obligation aux prêtres n’ayant pas prêté le serment à la Constitution civile du clergé de 1791 de quitter le pays, de partir en déportation. C’est ça ou la mort. Lorsqu’après le 27 juillet 1794 la réaction thermidorienne semblera adoucir la persécution anticléricale beaucoup de prêtres vont revenir dans leurs paroisses accomplir leur mission sacerdotale.

Mais le 5 septembre 1797 le Directoire relance les lois de persécutions en exigeant un nouveau serment à la Constitution civile du clergé le 8ème, auquel s’ajoute – haine à la royauté – haine à l’anarchie. Anarchie visant bien évidemment la religion catholique supposée semer le bazar !

C’est ce qui est arrivé à plusieurs prêtres ou religieux du Diocèse de Metz il y a 220 ans.

- Le 18 Prairial, mercredi 6 juin à 9 h du matin, le Révérend père Joseph Saint-Etienne est fusillé ; né à  Cornillon, dans le Gard en 1761, il n’a prêté aucun des serments. Après la déportation il est revenu dans les environs de Metz son couvent de Bitche ayant été réquisitionné comme partout depuis 1790. Jugé par la Commission militaire de Metz comme émigré-rentré, sans avocat, sans jurés, il a été condamné à mort la veille.

- Le 5 Thermidor, lundi 23 juillet à 10 H 30 : L’abbé Jean-Nicolas Fendt est fusillé à l’âge de 56 ans. Né à Entrange, en Lorraine, le 13 octobre 1742 il était prêtre-chantre à Thionville d’où il avait du partir chassé par la loi de proscription. Revenu dans son pays de Thionville alors qu’il pensait la persécution terminée il est sous le coup de la nouvelle loi du 5 septembre 1797. Jugé le matin même par la Commission militaire il a été condamné à mort comme émigré-rentré.

- Le 24 Thermidor, Samedi 11 août à 6 H du matin, l’abbé Jean Maucolin né à Rettel dans le canton de Sierck en Moselle le 13 août 1759 est fusillé. Il était curé de Bettelainville d’où il avait été expulsé après avoir refusé de prêter serment. Il était revenu en début 1797. Le 23 thermidor il comparaît devant la Commission militaire de Metz accusé d’être émigré-rentré (alors que, comme ses confrères, il avait du se soumettre aux lois de déportation). Pas d’avocat, pas de jurés. Il était revenu dans sa paroisse lorsque la persécution semblait arrêtée. Il aurait eu 39 ans.

 

- Enfin l’abbé Antoine Nicolas.

C’est le seul des quatre sur lequel existe un assez long historique d’une vie entièrement dévouée à son sacerdoce.

Né à Vatimont (à l’époque canton d’Herny), de parents paysans, le 22 septembre 1744 à 25 Km de Metz ; après ses études au séminaire de Pont-à-Mousson il est ordonné Sous-diacre le 21 mars 1770, Diacre le 22 septembre, Prêtre le 21 septembre 1771 par Monseigneur Louis-Joseph de Montmorency-Laval évêque de Metz. Au printemps 1783, après être passé par quelques paroisses, il est nommé à Saint Baudier. Un trou de campagne qu’il accepte de bonne grâce. Son premier travail est de construire un presbytère mettant lui-même la main dans le mortier. Il a un champ qu’il plante de blé pour faire le pain pour les plus pauvres. Lors de la persécution, chassé de son presbytère, il va rester dans sa paroisse et dans ses alentours pour remplir les devoirs de sa prêtrise avec ce raisonnement : « A l’égard du martyre je ne m’exposerai pas témérairement à être arrêté mais je m’estimerai heureux de l’être s’il m’arrive un jour d’être surpris ».

Un jour que fatigué il se reposait assis sur le bord d’un chemin, un gendarme vint s’asseoir près de lui en lui confiant son épuisement à courir après le curé de Saint Baudier. « Mais c’est moi dis le prêtre » et le gendarme de lui répliquer « je voudrais que vous m’entendiez en confession car je ne veux pas me confesser auprès d’un intrus ».

Arrêté une première fois il fut incarcéré à La Conciergerie d’où il sera relâché fin décembre 1796. Il continua son apostolat et fut arrêté, le 23 septembre 1797, une deuxième fois dans une maison amie, caché derrière des fagots. Emmené devant la Commission militaire de Metz celle-ci prononça une peine de déportation ; il fut emmené de brigade en brigade jusqu’à la frontière prussienne.

Le 4 décembre 1797 le fidèle paroissien auquel il envoyait des lettres qui servaient de sermon pendant la persécution reçoit une lettre lui annonçant son retour en France. Il reprit son apostolat jusqu’à ce fatidique 29 juillet où, ayant été dénoncé par un plâtrier, les gendarmes vinrent le saisir alors qu’il était au lit. Ils lui laissèrent à peine le temps de passer une redingote grise. Le couple qui l’avait hébergé fut arrêté mais la femme ayant tout pris sur elle son mari fut relâché. Elle écopera de 4 ans de prison.

Pour l’abbé Nicolas c’est la troisième et dernière arrestation. Il est traîné d’interrogatoire en interrogatoire et ne cite jamais les foyers dans lesquels il a été reçu. Le jugement sans appel tombe le 12 août après-midi : la mort dans les 24 H. Ce verdict procure une joie immense au saint prêtre chez lequel il y a du Bienheureux Pierre-René Rogue, de l’abbé de Gruchy et de l’abbé Souffrand. Et de bien d’autres !

Dès quatre heures du matin en ce 13 août 1798, un piquet de cavalerie et 80 fantassins vinrent monter la garde autour de la prison. Une des sœurs de l’abbé Nicolas, Marguerite Mussot (la maman de l’abbé, veuve, s’était remariée), religieuse chez les sœurs de Saint Vincent de Paul rejointe par une amie, l’accompagne jusqu’au lieu de l’exécution. On voulut lui bander les yeux, ce qu’il refusa ; mais devant l’insistance il accepta, et sortit un mouchoir de sa poche.

Il se mit à genoux sur le sol et les douze gendarmes firent demi-cercle autour de lui, moitié debout moitié un genou en terre. A l’ordre du commandant  ils firent feu. L’abbé fut tué sur le coup, son corps vacilla sur le côté gauche ; il aurait eu 54 ans. Les fossoyeurs le mirent dans un cercueil et le recouvrirent de chaux vive. Avec une truelle ils ramassèrent le sang et les morceaux de chairs épars. Une jeune fille, Melle Poinsignon, récupéra à quelques mètres  un morceau de matière cérébrale qu’elle mit dans un mouchoir et alla porter à un prêtre, l’abbé Nilus. Le cercueil contenant le corps de l’abbé Antoine Nicolas fut jeté en terre dans le cimetière de Belle Croix (qui n’existe plus).

Le 25 juin 1809 les restes de l’abbé furent exhumés et disposés dans un petit cercueil de 80 cm X 35, en présence de Sœur Marguerite Mussot Supérieure de l’hospice de Bon Secours accompagnée de trois religieuses, de l’abbé Prévost et d’autres personnes.

Le cercueil sera ensuite déposé à l’évêché avec le Procès verbal.

Le 18 octobre 1848, après une journée de cérémonie solennelle avec messe de Requiem réunissant une immense assemblée, le cercueil fut inhumé dans l’avant chœur de l’église de Saint Baudier ; un cénotaphe fait mémoire de ce Confesseur de la foi.

Les exécutions avaient lieu à proximité des ces remparts proches de la porte Serpenoise.

Le plâtrier dénonciateur boycotté par la population dut quitter Metz, alla à Paris et termina fou à l’hôpital Bicêtre.

 

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