4 Janvier 1793: Barère de Tarbes ou l'impudeur de la rhétorique !

Publié le par culture

Il est bien de noter, pour les rappeler, les soulèvements,  aux répressions meurtrieres, qui vont commencer il y a 220 ans, 1793, cette funeste première année de tueries épouvantables.

Rappeler les soulèvements, punis par des crimes commis en toute légalité par une révolution qui a basculé très vite dans le crime, est une bonne chose mais pas suffisante si l’on n’en possède pas la genèse.

L’aspect criminel et sanguinaire, défendu par Barère au nom de la représentation nationale se retrouvera en outre 124 ans plus tard avec la Révolution Bolchévique, 140 ans plus tard en Ukraine avec Staline (Holomodor), 146 ans plus tard (Staline et Katyn), 150 ans plus tard avec Hitler, 160 ans plus tard avec Mao Tsé Toung, 182 ans plus tard avec Pol Pot et Duch (ou Douch). Les crimes bolchéviques, Staline pour l’Ukraine et Katyn – entr’autres- n’ont jamais été jugés, Hitler avec juste raison, Mao Tsé Toung a toujours ses émules, quant aux crimes de Pol Pot et consorts, il a fallu plus de trente ans pour arriver à un jugement minable d’où le peuple a été écarté.

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Or, ce 4 janvier 1793, Barère de Vieuzac monte à la tribune de la Convention pour la deuxième fois. Il faut noter que jusqu’à sa chute, le 3 septembre 1794, il y montera 600 fois ! Long argumentaire de 46 pages dont nous ne lirons que le long résumé que je précèderai, néanmoins de cette note de bas de page : " il est des questions ou un petit nombre d'hommes voit mieux qu'une majorité ignorante ou séduite " (Vlan pour la démocratie, note SCB)

-J'ai prouvé que le peuple ne doit pas être le juge de ses propres offenses et qu'il les jugerait s'il était appelé à infirmer ou à confirmer le jugement de Louis Capet. J'ai prouvé que l'appel au peuple n’existait à Rome que parce qu'il n'y avait que les magistratures et non pas une représentation et que le peuple exerçait sans cesse la souveraineté par lui-même.

-J'ai prouvé que votre décret sur Louis ne sera pas un jugement car vous n’êtes pas un tribunal judiciaire, et vous n'avez pas suivi rigoureusement les formes employées par les tribunaux.

-J'ai prouvé que ce n'est pas une loi car une loi statue pour tous les citoyens ; il ne s'agit ici que d'un homme.

-J'ai prouvé que l'inviolabilité ne peut fournir un motif de consulter la nation qui s'est déjà prononcée (par la voix de la Convention ! note SCB).

-J'ai prouvé que sous le rapport des mandats illimités, de la théorie des corps constituants et des mesures de sûreté générale, il ne pouvait y avoir lieu à la ratification par le peuple.

-J'ai prouvé que les mouvements anarchiques peuvent s'accroître par la consultation des  assemblées primaires et par la difficulté de présenter la question au souverain (peuple souverain, note SCB).

-J'ai prouvé que les considérations ou les terreurs politiques ne nous donnerons pas un ennemi de plus, mais les feront paraître en évidence.

Citoyens, je n'ai pas craint la responsabilité personnelle, en émettant mon opinion ; j'ai rempli mon devoir. Quelle que soit l'opinion qui prévale, je respecterai toujours le voeu de la majorité. On a parlé d'insurrection : c'était légitime et nécessaire, quand il existait un trône et une cour conspiratrice. Des insurrections ! Et contre qui ? Il ne reste plus que la nation et sa puissance. Il n'y a donc plus que des révoltes et des séditions ; c'est à la loi de les punir, c'est à la nation de les réprimer. (ça c’est pour les soulèvements qui se font un peu partout, déjà, de façon limitée ; les révoltés sont illégaux parce qu’ils restent fidèles à ce qu’ils considèrent comme un système légal et ce sont les illégaux du coup d’Etat du 10 août qui transforment la règle : lors de l’attaque des Tuileries, le Roi et ses défenseurs voulaient protéger la Royauté des attaquants ; c’est eux qui vont être accusés d’être des criminels. note SCB)

Au milieu des passions de tous genres qui s'agitent et se froissent dans cette grande affaire, une seule passion a le droit d’être entendue : celle du bien public, de l'intérêt national et de la liberté. Vous allez prononcer devant la statue de Brutus, devant votre pays, devant le monde entier. C'est avec le jugement du dernier roi des Français que la Convention nationale entre dans le domaine de la postérité.

Je demande qu'en pensant à l'ordre du jour sur toutes les positions tendant au recours à la nation dans les assemblées primaires, la Convention décrète :

-Qu’elle ira aux voix par appel nominal, à la tribune, sur la question de fait, si Louis Capet est coupable ou non de conspiration contre l'État.

-Qu’elle ira aux voix par appel nominal, à la tribune, sur l'application de la peine portée par le code pénal contre ceux qui attentent à la sûreté intérieure et extérieure de l'État.

-Qu'elle statuera ensuite sur le sort de la famille Capet.

Barère va se faire un spécialiste de l’inversion des rôles ; ce renégat, royaliste avéré à ses débuts, va rejoindre les Montagnards. Les Girondins, ayant participé à l’exclusion des Royalistes dans la nouvelle assemblée élue le 2 septembre, eux qui sont à l’origine des désordres, veulent freiner un courant qu’ils ont engendré. D’où leur intention de faire appel au peuple. Objection que vient de balayer Barère ; cruauté supplémentaire pour les Girondins : pas de vote secret mais à voix haute après appel nominal. Or, le courage a ses limites ! Ultime contorsion du député de Tarbes (qui honore sa mémoire !) : le peuple souverain a élu une assemblée qui est souveraine laquelle n’a aucune raison de faire appel au peuple qui l’a élue. Ne rions pas ; nous avons connu cela avec un récent référendum européen par lequel le peuple français refusait une ratification…qui fut entérinée l’année suivante par les deux Chambres !

Maintenant il est plus clair de comprendre ce qui attend les Révoltés en ce début d’année 1793 ; et ce mot de Saint Just : "nous ferons le bonheur du peuple, même contre sa volonté".

 

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C
Excellente leçon de démocratie. J'aime beaucoup la maxime : « il est des questions ou un petit nombre d'hommes voit mieux qu'une majorité ignorante ou séduite. » C'est imparable...
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