26 DECEMBRE 1792: UN PROCES INIQUE, SCANDALEUX...

Publié le par culture

Mercredi 26 décembre 1792 : Louis XVI est entendu par la Convention qui s'est érigée en tribunal.

La veille mardi 25 décembre, il a rédigé son testament, ayant perdu toute illusion sur le sort qui l’attend. Si pendant quelques années il a été séduit par la philosophie des Lumières, depuis plusieurs années il s'est aperçu de l'inanité de ces philosophies.

En ce 25 décembre, Louis XVI rédige son testament, poignant, réfutant toutes les accusations qui lui ont été faites le 11 décembre devant Barère président de la Convention. Il clame son innocence devant un procès inique, sans base juridique, l’attribuant uniquement à la passion des hommes. Il professe sa foi chrétienne : « Je laisse mon âme à Dieu, mon Créateur, je le prie de la recevoir dans sa miséricorde et de ne pas la juger d'après ses mérites, mais par ceux de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui s'est offert en sacrifice à Dieu son Père, pour nous autres hommes, quelques indignes que nous en fussions, et moi le premier. Je recommande mes enfants à ma femme, je n'ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux ; je la prie de me pardonner tous les maux qu'elle souffre pour moi et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle, si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher. Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir roi, de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve, qu’il ne peut faire le bonheur des peuples qu'en régnant suivant les lois, mais en même temps qu'un roi ne peut les faire respecter et faire le bien qui est dans son coeur qu’autant il a l’autorité nécessaire, et qu'autrement, étant lié dans ses opérations et n’inspirant point de  respect, il est plus nuisible qu'utile ». Il demande à son fils de ne pas chercher à le venger.

Depuis que l'on a accepté de lui donner un troisième avocat conseil,  pour étudier l'ensemble des reproches et accusations qui sont faits, Tronchet, de Sèze, M. de Malesherbes, ont fait le maximum dans le peu de temps qui leur était octroyé. Quatre nuits et cinq jours, et les dernières pièces présentées le dimanche 23 décembre ! Quelle défense bâtir en si peu de temps ?  Pour les assassins nazis, des mois, pour les assassins cambodgiens avérés, des années, pour les assassins staliniens avérés: absolution éternelle !

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Ce mercredi 26, à 10 Heures du matin  Louis XVI quitte sa prison du Temple ; à 11 H 30, il est conduit pour la seconde fois à la barre de la Convention. Le président de séance est Defermont  des Chapelières, représentant de l'Ille-et-Vilaine, natif de Loire-Atlantique (près d'Ancenis). Defermont interdit aux députés toute espèce de murmure ou d'approbation. On a redonné à Louis XVI de quoi se raser, il a donc une meilleure mine que lors de sa comparution le 11 décembre.

Defermont : « Louis ( à noter que Defermont ne dit pas Louis Capet), il a été décrété que vous seriez entendu une seconde fois et de façon définitive ».

Dans le silence, Raymond de Sèze commença sa plaidoirie : « Louis, accusé au nom du peuple français n’est plus qu'un homme, il n'a plus l'autorité, il ne peut susciter ni crainte ni espérance. C'est donc le moment où vous lui devez non seulement le plus de justice mais, j’oserais dire, le plus de faveur ».

Raymond de Sèze s'interroge sur la validité de la procédure en faisant une méticuleuse analyse de la constitution de 1791 à laquelle le roi de France a prêté serment, concluant à son inviolabilité absolue: "Il ne peut donc en aucun cas être accusé des actes commis pendant son règne. On ne peut juger quelqu'un en décrétant la rétroactivité des lois pénales." D'autre part comment la Convention peut-elle à la fois instruire et juger:" Citoyens, je vous parlerais ici avec la franchise d’un homme libre : je cherche parmi vous des juges, et je ne vois que des accusateurs. Louis sera donc le seul français pour lequel il n'existera aucune loi ni aucune forme ! Il n’aura ni les droits de citoyens, ni les prérogatives du roi ! Il ne jouira ni de son ancienne condition, ni de la nouvelle ! Quelle étrange et inconcevable destinée ! »

Pendant 3 heures, Raymond de Sèze va étayer son discours de défense sur une procédure juridiquement illégale et un tribunal légalement incompétent. Si le Roi avait été coupable, au moment des faits qui lui sont antérieurement reprochés, il fallait le forcer à l’abdication, or, cette peine n’a pas été appliquée. D’autre part l’Assemblée prive l’accusé des garanties accordées à tout citoyen (nous sommes encore en 1792). Le fait que les papiers secrets trouvés aux Tuileries dans le domicile envahi du roi, les armoires forcées, les papiers dispersés, récupérés sans ordre, tous ces documents ont très bien pu être falsifiés ou tronqués puisqu’aucun inventaire n'a été fait sur place ni en présence du Roi. Un jury lui a été refusé. « Où sont les preuves du complot, où est la trace du complot de Louis contre le peuple? Vous avez parlé de préparatifs pour le 10 août : je vois bien de la part de Louis des préparatifs de défense du palais des Tuileries, mais où sont les préparatifs d'attaque ? Qu’a fait Louis pour être convaincu d'agression ? » De même, l'avocat réfute tout appel à l'étranger, rappelant que le roi de France qu’est Louis XVI à l'époque n’a cherché qu’à préserver le royaume de France de toute agression intérieure pour assurer la pérennité de son règne. Aucune accusation n'est étayée sur son éventuel appel à l'étranger. Le 14 juillet 1789, les troupes avaient reçu l’ordre de ne pas s’opposer à la résistance du peuple ; le Roi a toujours désavoué et condamné l’émigration : n’a-t-il pas demandé à ses frères émigrés de rentrer en France ?

Raymond de Sèze termine sa plaidoirie par cette phrase célèbre : « Citoyens, je n'achève pas. Je m'arrête devant l'histoire ; songez qu'elle jugera votre jugement, et que le sien sera celui des siècles ».

Louis XVI conclut : « En vous parlant peut-être pour la dernière fois, je vous déclare que ma conscience ne reproche rien et que mes défenseurs ne vous en dit que la vérité. Je n'ai jamais craint que ma conduite fut examinée publiquement, mais mon coeur est déchiré de trouver dans l'acte d'accusation l'impression d'avoir voulu faire répandre le sang du peuple, et surtout que les malheurs du 10 août me soit attribués. J'avoue que les preuves multipliées que j'avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m'étais toujours conduit me paraissaient devoir prouver que je ne craignais pas de m’exposer pour épargner son sang et éloigner à jamais de moi pareille impression. »

Defermont : « vous n'avez pas autre chose à ajouter pour votre défense ? »

Louis XVI : « non ».

Defermont : « vous pouvez vous retirer. »

Lanjuinais, député d'Ille et Viliaine affirma que les conspirateurs du 10 août ne pouvaient s’ériger en juges. Ce furent des hurlements qui s’élevèrent de l’assemblée des députés.

Louis XVI demanda une chemise sèche pour Raymond de Sèze en sueur. Ramené au Temple, il dit à ses conseils qui l'ont accompagné:"Ma mort a été jurée".

Effectivement, dès l'intervention du petit Saint-Just à la tribune de la Convention, en novembre, le sort du Roi de France est décidé.

Ce procès, qui n'en est pas un, est un pur déni de justice ! Un procès hitlérien ou stalinien avant l'heure. Une honte !

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