28 FÉVRIER 1796, ASSASSINAT D'UN PRÊTRE à MEGRIT (Côtes du Nord)
Abbé Paul-Gédéon de Rabec
(ou Rabec sans particule selon les documents).
Né à Cerizy la Salle, Diocèse de Coutances, le 21 mars 1738, Paul-Gédéon de Rabec fit sa scolarité dans son village natal puis à Coutances. Ses parents l’envoyèrent ensuite à Paris faire ses études au collège Sainte Barbe puis à La Sorbonne où il réussit son doctorat – certainement de Droit canonique – reçut l’ordination diaconale en 1762 et le sacerdoce dans le temps de Noël de la même année.
Chanoine de la collégiale de Saint-Guillaume à Saint-Brieuc, il devint archidiacre et chanoine théologal de Monseigneur de Hercé à Dol ; il résigna sa charge en faveur de Michel Thoumin des Vauxponts en 1772.
Le 21 janvier 1772, il est nommé curé de la paroisse d’Aron, près de Mayenne, par Monseigneur Louis-André de Grimaldi évêque du Mans, où il resta dix ans. Cette cure lui assurait un revenu de
En 1782, ployant sous les dettes, il renonça à sa paroisse sous la pression de son oncle, Monsieur Jacques de Rabec, Ecuyer, Directeur de la Compagnie des Indes (père de Françoise-Joséphine de Rabec épouse de René-Jacques Foucauld). Cet oncle lui assura le recouvrement d’une grande partie de ce qu’il devait et l’encouragea à aller habiter dans les Côtes du Nord, dans son manoir de Val-Martel à Mégrit, près de Broons, afin que les revenus de ses terres lui permettent de combler le reste de ses dettes. Il s’y retira définitivement en 1785.
Il limita alors son sens excessif de la charité tout en restant généreux et soucieux de soulager la pauvreté. Il eut une activité pastorale intense et acquit rapidement une réputation de sainteté.
Lorsque vint la révolution et son souffle anticatholique dévastateur il ne prêta pas le serment à la Constitution civile du Clergé. N’étant pas Curé de paroisse, donc fonctionnaire, il n’y était pas tenu. Il se permit de mettre en garde ses confrères contre ce serment schismatique et alla même, en 1791, dans son ancienne paroisse d’Aron puis dans son ancien archidiaconé de Dol pour prévenir ses anciens fidèles et les prêtres. Dans les rue de Dol un ami le mit en garde contre les méchants qui pourraient l’entendre ; il répondit : « Je ne crains rien ; et s’il faut sacrifier ma vie pour Dieu et pour l’Eglise, je sacrifie volontiers ma vie à Leur sainte cause ».
Revenu à Mégrit, le Curé ayant du fuir plutôt que de prêter serment, il le remplaça dans ses activités pastorales auprès des catholiques fidèles.
Repéré par les révolutionnaires comme réfractaire il fut incarcéré à Saint Brieuc en 1793, dans l’ancien couvent des Sœurs de la Croix où il resta un an. Il fut ensuite emprisonné à Guingamp dans l’ancien couvent des Carmélites d’où il fut libéré à la fin de 1795, 17 mois après la chute de Robespierre.
Il revint alors à Mégrit au manoir du Val-Martel et reprit son activité de pasteur. Mais il fut dénoncé aux « chasseurs de prêtres ». De ses paroissiens le mirent en garde ; il leur dit : « que son devoir de prêtre était de se sacrifier pour le salut des âmes et que si pour conserver sa vie il consentait à ne plus exercer le saint ministère, il aurait bien plus à redouter de la vengeance du Seigneur qu’il n’avait à craindre de la malice des hommes ».
Le dimanche 28 février au matin, venant de terminer sa messe, qu’il disait au Val-Martel, on vint le prévenir que 50 soldats des Colonnes Mobiles arrivaient pour l’arrêter. Sa réponse : « Voilà donc, voilà, O mon Dieu, le moment où je vais paraître devant Vous ! ».
Les soldats s’introduisent dans le manoir ; ils sont fatigués et affamés ; l’abbé leur fait servir de la nourriture et des boissons. Mais les soudards ne connaissent pas la miséricorde, mot inconnu dans leur vocabulaire ; ils s’emparent du prêtre et commencent à piller la maison.
Le commandant de la horde est pressé d’en finir avec ce « calotin » et fait sortir ses hommes et l’abbé de Rabec pour aller à Broons. A la sortie du manoir, dans l’allée du Val-Martel, il est régulièrement frappé de coups de baïonnettes. 14 fois ainsi et arrivés au bout de l’allée le commandant ordonne à quatre soldats de fusiller le prisonnier qui à chaque coups a dit : « Mon Dieu, pardonnez-leur et faites-moi miséricorde ». Aux fusilleurs le futur assassiné dit : « Vous qui devez me délivrer de la vie, procurez-moi avant la satisfaction de vous embrasser ; venez, je vous pardonne ma mort ». Un soldat refuse de tirer préférant plutôt être fusillé lui-même. Les trois autres tirent à bout portant. Le prêtre est tué sur le coup ; il était à 22 jours de ses 58 ans. Les assassins lui arrachent ses vêtements, le laissent nu sur la terre et retournent ensuite piller sa maison.
La horde partie, ses domestiques qui avaient suivi leur abbé ramènent le corps au manoir et vont ensuite l’inhumer au cimetière, près du chœur de l’église, où il repose toujours.
C’était le 28 février 1796, il y a 220 ans, sous le Directoire que certains pensent encore qu’il fut une période de paix religieuse ! Le Directoire fut une période d’anarchie et de désordres durant laquelle les assassinats de prêtres vont recommencer presque comme sous la Terreur.
Nous, aujourd'hui, rendons ainsi hommage à ce martyr, Confesseur de la Foi.