DECEMBRE 1798 - DECEMBRE 2018 IL Y A 220 ANS.
Commandée par le capitaine Jean-Baptiste Edmond Richer (26 ans) la corvette La Bayonnaise quitte Cayenne au début novembre 1798 avec ses 248 hommes d’équipage ayant embarqué 30 soldats de Cayenne qui rentrent en métropole. Elle a débarqué sur le sol de la Guyane 132 condamnés à la déportation dont 125 prêtres et religieux. Elle fait un arrêt à La Guadeloupe le temps de refaire son approvisionnement en eau et nourriture ; elle embarque aussi le courrier à destination de la France.
Mais à l’approche des côtes de France, au large de l’embouchure de la Charente, dans le Pertuis d’Antioche, une frégate anglaise est en attente d’un autre navire pour bloquer l’estuaire de la Gironde un peu plus au sud. C’est le 14 décembre 1798.
L’Anglais voit bien les voiles lointaines et croit que c’est le collègue attendu ; ce laps de temps permet à La Bayonnaise de s’approcher. Le commandant de l’Ambuscade, capitaine Jenkins, s’aperçoit vite de son erreur et, ayant un navire plus rapide, prend le Français en chasse et le rattrape facilement. 248 hommes, 30 fantassins 25 canons de 12, 5 caronades (petits canons courts et fixes) pour La Bayonnaise ; 190 hommes, 35 canons de 12 et 8 caronades pour Ambuscade. Mais surtout pour cette dernière une grande surface de voile, garante de vitesse en fait une bien meilleure « marcheuse ». Les Français voient leur voilure criblée, le grand mât abattu et en passe d’être pris. C’est alors que la décision est prise de passer à l’abordage ; par une manœuvre qui va se révéler payante le mât de beaupré vient se ficher dans le château arrière de l’Anglais et ce qui reste de marins valides et de fantassins se rue sur Ambuscade.
Les Anglais demandent grâce très rapidement vu l’étendue de leurs pertes et devant la violence de l’attaque des Français. Les pertes sont de 10 Anglais tués dont le commandant en second, le quartier-maitre et 36 blessés, dont le commandant. Les Français comptent 25 tués et 30 blessés dont Richer et le commandant en second La Houssay. L’enseigne de vaisseau Le Danseur qui a lancé l’abordage a été tué net. Richer, qui a perdu le bras gauche dans l’affaire donne l’ordre de rejoindre Rochefort, dans l’estuaire de la Charente. Mais La Bayonnaise est immanoeuvrable. C’est donc le bateau vaincu qui va remorquer le bateau vainqueur !
Ambuscade sera rebaptisée L’Embuscade qui reprendra son nom d’origine lorsque les Anglais récupéreront leur bien en 1803.
ET LES MALHEUREUX DÉBARQUÉS A CAYENNE ?
Abbé Louis Senez, Curé d’Echelle Le Franc (maintenant Montmirail) du diocèse de Châlons, arrivé sur La Bayonnaise le 6 octobre, décède à Roura le 1 décembre 1798 (1799 selon d’autres sources) à l’âge de 47 ans.
Père Jean-Baptiste Vieux-Maire (ou Vieux maire), né à Villers le Luxeuil en 1754. Récollet du diocèse de Besançon il avait échappé aux persécutions en exerçant son ministère en cachette ; mais il n’échappa pas aux sbires du Directoire. Arrivé sur La Bayonnaise le 6 octobre 1798, il décède à Sinnamary le 2 décembre 1798 à l’âge de 45 ans.
Abbé Jacques Lachenal (ou Larchenal), vicaire de Chaponnay diocèse de Lyon, arrivé sur La Bayonnaise le 6 octobre, décède à Sinnamary le 5 décembre 1798 âgé de 34 ans.
Abbé François Veauzy, né à Thiers, Curé de Murat le Quaire dans le diocèse de Clermont, arrivé sur La Bayonnaise le 6 octobre, décède à Sinnamary le 5 décembre 1798 âgé de 49 ans.
Abbé Pierre Garnessson (ou Garmesson), Curé de Connantray dans la Marne soumis aux lois de bannissement d’août 1792 il s’exila en Suisse. Il en rentra lors de la factice paix religieuse. La loi de septembre 1797 le fit envoyer à Rochefort puis embarquer sur La Décade ; Débarqué à Cayenne le 15 juin il décède de l’atmosphère putride, rongé vivant par les vers, le 6 décembre 1798 à Sinnamary âgé de 44 ans.
Abbé Dominique Vergne, vicaire de Beaufort en Vallée dans le diocèse d’Angers. Il ne prête aucun des serments et exerce son ministère dans la clandestinité. Il vient au grand jour en 1796 et 1797 mais est arrêté au nom de loi de septembre 1797. Arrivé sur La Bayonnaise le 6 octobre 1798 il décède à Sinnamary le 15 décembre 1798 à l’âge de 41 ans.
Abbé Jean Evrerard (ou Everard ou Evrad), né en 1758, Vicaire général de Chartres. Il avait échappé aux persécutions de 1793 à Thermidor. Il crut à l’apparente paix religieuse d’après la Terreur et ré apparut au grand jour dans sa ville de Chartres. Envoyé à Rochefort par la loi du Directoire il est embarqué sur La Décade et débarqué à Cayenne le 15 juin ; il décède à Makouria le 17 décembre 1798 à l’âge de 40 ans.
Abbé Antoine Brémont, né à La Valette d’Auriac en Corrèze, Curé de Sury le Comtal dans la Loire, arrivé sur La Décade le 15 juin, décède le 21 décembre 1798 à Cayenne, âgé de 52 ans.
Abbé Etienne Billard, né à Corbeny dans l’Aisne, Curé de Guyancourt dans le diocèse de Laon, arrivé sur La Décade le 15 juin, décède à Sinnamary le 27 décembre 1798 (novembre selon d’autres sources) âgé de 48 ans.
Abbé François Michel, du diocèse de Lyon, arrivé sur La Bayonnaise le 6 octobre, décède le 27 décembre 1798 (3 janvier 1799 selon d’autres sources) à Sinnamary âgé de 41 ans.
Ces dix malheureuses victimes innocentes sont décédées dans des conditions abjectes dictées par un État dit de droit.