ARMAND TUFFIN MARQUIS DE LA ROUERIE, 1793-2023.REMINISCERE
Il y a 230 ans exactement Armand Tuffin, marquis de La Rouërie a été inhumé sommairement dans la nuit du 31 janvier dans le bois jouxtant La Guyomarais après son décès le matin du 30.
Né en 1751.Vaillant combattant de la guerre aux Amériques où il était allé se battre aux côtés des Insurgents en avril 1777, bien avant Lafayette (mi juin 77), à ses frais ; il se bat sous le nom de colonel Armand. Il a vendu une bonne partie de ses biens pour financer cette aventure et se battre contre les Anglais qu'il exècre depuis la Guerre de Sept ans et leurs ravages sur les côtes bretonnes.
Il reviendra en Bretagne au début de 1781, se faire recevoir à la Cour de Versailles. Louis XVI le confirme dans son grade de colonels de Dragons et le fait Chevalier dans l'Ordre militaire et royal de Saint Louis. Revenu à La Rouërie il vend des terrains afin d'acheter des armes pour les soldats du régiment qu'il a organisé et repart débarquant à Boston le 15 août 1781. La Guerre d'Indépendance se termine par le Traité de Paris le 3 septembre 1783 ; c'est une victoire pour Louis XVI qui va en payer le prix fort quelques années plus tard. Armand Tuffin ne rentrera en France qu'en juin 1784 après s'être assuré de l'avenir de ses soldats (Lafayette n'ayant pas les mêmes scrupules avait quitté Boston fin 1781, après la victoire décisive de Yorktown le 19 octobre afin d'aller annoncer sa victoire à la Cour). Lorsque le colonel Armand revient les gratifications ont été remises dont il ne profitera pas.
Criblé de dettes un doux hymen avec une jeune fille de bonne famille, Louise-Caroline Guérin de La Grasserie native de Saint Brice en Coglès, qui aux plaisirs de l'amour associe une belle dot, lui assure par un beau mariage le 27 décembre 1785 de se sortir de ses soucis pécuniaires. Las, souffrant d'une tuberculose pulmonaire la belle Louis-Caroline mourra à Cauterets où Armand l'avait emmenée en cure.
Après que le comte d'Artois, frère de Louis XVI ait émigré à Turin le 17 juillet 1789 il lui écrit :"Il faudrait, Monseigneur, s'opposer à ce que le nombre des émigrants augmentât. En Angleterre ils ne sont d'aucune utilité ; dans les provinces ils peuvent reconquérir leur influence de famille et au besoin combattre avec les hommes qui se dévouent. Il y aura peut-être des attentats isolés contre leurs personnes mais plus on nous verra nombreux et bien décidés moins on essaiera de nous attaquer". Lettre morte.
Irrité par la tournure des évènements il fonde en juin L'Association Bretonne afin de permettre un retour à l'indépendance de la Bretagne à laquelle la loi sur les privilèges de la nuit du 4 août a en fait supprimer l'existence en la divisant en cinq départements. Avec son co-fondateur, le comte Ranconnet de Noyan (1730-1810) ils défendent les Lois particulières de la Bretagne. Ils regroupent un certain nombre de non-nobles et nobles (hobereaux), tous hommes de qualité dont on retrouvera un grand nombre à la tête des révoltés de 1793. Mais il réchauffe en son sein une vipère, Chévetel qui fut son ami mais joue un double jeu s'étant rapproché de Danton (lequel est encore monarchiste constitutionnel).
Bientôt il est pourchassé et se retrouve bien seul avec une grosse poignée d'amis un grand nombre étant parti à Jersey ou à Londres. Son château de Saint Ouen a été mis à sac ; avec ses fidèles Schaffner et Saint-Pierre il erre de caches en caches et après une tempête de neige va se réfugier chez ses fidèles amis La Motte-La Guyomarais. Saint-Pierre attrape la fièvre et en guérit le 18 mais à cette date c'est le marquis qui attrape une pneumonie. Le 24 janvier les Bleus approchent de La Guyomarais ; Monsieur de La Motte les cache dans une ferme sans chauffage. Evidemment la fouille du manoir ne donne rien et après le départ des Bleus on ramène M. de La Rouërie dont l'état empire malgré les soins prodigués par le Dr Charles Taburel, de Lamballe.
Le 25, Fontevieux, le compagnon du major Schaffner, arrive avec le journal annonçant l'exécution du Roi. Le marquis lui demande de lui lire les articles mais Fontevieux ne cite pas la mort de Louis XVI. Armand de La Rouërie demande un verre d'eau que Fontevieux va chercher oubliant le journal que le marquis lit "Ils ont osé faire ça !" ce qui aggrave son état de fragilité dû à la pneumonie. Il va passer près de quatre jours de prostration, de délire et d'extrême agitation qui lui sont fatales. Il meurt le 30 janvier à 5 heures du matin. Il n'avait pas encore 42 ans !
Le 31 janvier, de nuit, une fosse est creusée, tapissée de chaux vive, le corps du marquis y est déposé et couvert de chaux vive ; refermée un houx est planté dessus comme repère.
Etrangement c'est un révolutionnaire Claude Basire, futur guillotiné qui lui rend hommage en déclarant : "Armand Tuffin de La Rouërie, un aristocrate breton, un personnage vraiment extraordinaire qui joignait aux passions les plus fortes unesprit souple, au machiavélisme de l'aristocratie un talent de négociateur, et à l'intrépidité du soldat les vues d'un grand général, fut l'auteur principal de cette stupéfiante conspiration. Après avoir conçu le plan intégral, son vaste génie en a prévu jusqu'aux plus infimes détails. Il en a préparé l'exécution avec une habileté réellement incomparable".