Clémenceau le Vendéen et l'Histoire, 29 janvier 1793, pardon 1891.....
Le 23 janvier 1891, la pièce intitulée Thermidor, de Victorien Sardou, est interdite à la Comédie Française.De vifs remous se font à Paris contre cette décision gouvernementale.
Le gouvernement prétend que Victorien Sardou n’y défend Danton que pour mieux attaquer la Révolution.
Le 29 janvier, Georges Clémenceau, le Tigre, le futur Père la Victoire, le farouche athée natif de la catholique Vendée, député de Draguignan, anticlérical (quoique le terme d’anti calotin lui conviendrait mieux tant son anticléricalisme était primaire) monte à la tribune de l’Assemblée Nationale pour défendre l’interdiction de la pièce de théâtre. Pour lui, il n’y a qu’une seule sorte de Révolutionnaire :
« Messieurs, ce serait une erreur de croire, comme quelques-uns de nos collègues paraissent le penser, que le résultat de cette discussion, c'est de nous faire voter « pour » ou « contre » Danton ou Robespierre. Il s'agit, à mon avis, de tout autre chose. Et c’est pour expliquer quel est, suivant moi, le sens du vote qui va être rendu et dire pourquoi je vais voter la confiance au Gouvernement que j'ai demandé la parole.
Messieurs, il a été joué à la Comédie Française une pièce évidemment dirigée contre la Révolution française. Il est temps d'écarter toutes les tartuferies auxquelles on a eu recours pour dissimuler la réalité. Assurément, on n'a pas osé faire ouvertement l'apologie de la monarchie contre la République. On ne pouvait pas le faire à la Comédie Française. On a pris un détour, on s'est caché derrière Danton. Depuis trois jours, tous nos monarchistes revendiquent à l'envi la succession de Danton.
Je dis et je répète que la pièce (Thermidor) est tout entière dirigée contre la Révolution française. Voyez plutôt qui l'applaudit, et dites-moi qui pourrait s'y tromper. M. Joseph Reinach (- député Opportuniste – républicains modérés) qui monte à cette tribune entreprend le grand œuvre d'éplucher, à sa façon, la Révolution française. Il épluche en conscience et, sa besogne faite, nous dit sérieusement : J'accepte ceci, et je rejette cela ! J'admire tant d'ingénuité. Messieurs, que nous le voulions ou non, que cela nous plaise ou que cela nous choque :
la Révolution française est un bloc, un bloc dont on ne peut rien distraire.
Et aujourd'hui, après cent ans écoulés, vous arrivez gaillardement à cette tribune pour rajeunir cette vieille thèse d'école, de fixer souverainement ce qu'on peut accepter de la Révolution française et ce qu'on en doit retrancher. Est-ce que vous croyez que le vote de la Chambre y peut faire quelque chose ? Est-ce que vous croyez qu'il dépend de la Chambre de diminuer ou d'augmenter le patrimoine de la Révolution française ?
Ah ! Vous ne voulez pas du tribunal révolutionnaire ? Vous savez cependant dans quelles circonstances il a été fait. Est-ce que vous ne savez pas où étaient les ancêtres de ces messieurs de la droite ?
Ils étaient à la frontière. Oui, mais du mauvais côté de la frontière. Ils étaient avec les Prussiens, avec les Autrichiens et ils marchaient contre la France. Ils marchaient contre la patrie, la main dans la main de l'ennemi et ceux qui n'étaient pas avec les armées étrangères, ceux qui n'étaient pas avec Brunswick, où étaient-ils ? Ils étaient dans l'insurrection vendéenne et, suivant le mot de Michelet, à l'heure où la France était aux frontières faisant face à l'ennemi, ils lui plantaient un poignard dans le dos. C'est une besogne facile que de venir dire aujourd'hui à ces hommes qui ont fait la patrie, qui l'ont défendue, sauvée, agrandie : « Sur tel point, à telle heure, vous avez été trop loin ! ». Oui ! il y a eu des victimes, des victimes innocentes de la Révolution, et je les pleure avec vous ». Vos ancêtres massacraient les prisonniers républicains à Machecoul et quand Joubert, le président du district, avait les poings sciés, est-ce que ce n'étaient pas là des victimes innocentes ? Est-ce que vous n'avez pas du sang sur vous ?
Vous savez bien que la Terreur blanche a fait plus de victimes que l'autre.
C'est que cette admirable Révolution par qui nous sommes n'est pas finie, c'est qu'elle dure encore, c'est que nous en sommes encore les acteurs, c'est que ce sont toujours les mêmes hommes qui se trouvent aux prises avec les mêmes ennemis. Oui, ce que nos aïeux ont voulu, nous le voulons encore.
Nous rencontrons les mêmes résistances. Vous êtes demeurés les mêmes ; nous n'avons pas changé. Il faut donc que la lutte dure jusqu'à ce que la victoire soit définitive.
En attendant, je vous le dis bien haut, nous ne laisserons pas salir la Révolution française par quelque spéculation que ce soit, nous ne le tolérerons pas ; et, si le Gouvernement n'avait pas fait son devoir, les citoyens auraient fait le leur ».
Est-il utile de rappeler qu'il fait partie de ces grands démocrates dont un certain nombre de républicains extrémistes revendiquent la paternité ? Et que même dans la Vendée actuelle il est toujours honoré alors qu'il insultait, à titre posthume, ceux qui étaient morts pour leurs libertés, y compris la liberté religieuse dont ils étaient privés par un système politique auquel il se référait ? Pérorant toujours sur la liberté (certainement pas la même que celle pour laquelle des dizaines de milliers de personnes avaient perdu la vie dans sa région natale sous la Révolution) pour la France dont il fut, par ses exigences, un créateur de l'étranglement de l'Allemagne vaincue en 1918 dont on paya par la suite très cher, à cause de traités stupides, les conséquences funestes.