MONSIEUR JACQUES EMERY Prêtre Sulpicien
IL Y A DEUX CENTS ANS, AUJOURD'HUI MÊME, Monsieur Jacques André EMERY rendait son âme à ce Dieu qu'il avait tant servi, à la tête de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, en particulier durant les vraies heures les plus sombres de notre Histoire dont l'enseignement est si malmené depuis Jules Michelet.
Né le 26 août 1732 à Gex, près de Genève, au pied des monts du Jura, fils du lieutenent-général du bailliage de la ville, il fera ses études à Mâcon puis ensuite au séminaire Saint-Sulpice à Paris, exactement chez les Bernardins-établissement réservé aux candidats à la prêtrise sans ressources et sélectionnés- et bien vite il révèle ses qualités de coeur, habile à argumenter, clair dans ses exposés, estimé par ses condisciples, fidèle au règlement de la Maison, modeste et clairvoyant.
Ordonné prêtre en 1756, il intègre la Compagnie en 1758 et en sera élu Supérieur Général en septembre 1782, par le Chapître extraordinaire réuni au Séminaire d'Issy les Moulineaux. On peut lire dans La Revue du Souvenir Chouan de Brtetagne- juin 2010-:«d'une haute spiritualité, ce qui pour autant ne le laisse pas"planer", il arrive à temps» pour diriger le séminaire parisien devenu plus temporel que spirituel.
La Révolution arrive avec son cortège de lois et décrets visant principalement l'Eglise Catholique et l'obligation du serment civique. Comment un régime laïque, puisque devenu constitutionnel le régime monarchique n'a plus sa dimension religieuse, peut-il se permettre d'intervenir dans l'organisation d'une société spirituelle. Monsieur Emery, après mûres réflexions encouragera à prêter le serment car "il n'est pas de foi".
Emprisonné longuement à La Conciergerie puis ensuite au Plessis (la réserve à guillotine de Fouquier-Tinville) il échappera de peu au supplice, comme il avait échappé aux Massacres de Septembre. Fidèle à son sacerdoce il assurera le soutien spîrituel à ses co-emprisonnés, leur donnant même sa nourriture.
La tourmente passée, il va oeuvrer au rapprochement entre ceux qui ont prêté le serment, divisés en plusieurs courants, ceux qui l'ont fait par conviction, ceux qui l'ont fait par intérêt, ceux qui l'ont fait pour assurer le salut des âmes. Puis il oeuvrera ensuite pour la réintégration de ceux qui se sont mariés, souvent pour échapper à un triste sort, encourageant à une ré intégration rapide et digne, ce qui sera souvent refusé par certains intrus ; cette situation n'était pas aussi simple que certains, bien au chaud, veulent la juger !
Monsieur Emery arrivera à panser les plaies ouvertes par la Révolution. Le Consul Bonaparte fera appel à lui pour la rédaction du Concordat et voudra le récompenser par l'évêché d'Arras. Le Consul nommera le flamboyant abbé Bernier (lequel abbé a eu un rôle équivoque dans l'arrestation de Charette) évêque d'Orléans en remerciement des services rendus par cet "ambitieux, complaisant à l'égard du pouvoir, sans scrupules, aux procédés personnels, mais aussi d'une intelligence, d'une souplesse, d'une ténacité merveilleuse qui se montrera dans les négociations avec Rome un grand serviteur de l'Eglise et de son pays".
Dans un courrier à Portalis, Ministre des Cultes, Monsieur Emery exprimera son refus du siège épiscopal d'Arras. Il ne veut que s'occuper de son cher Grand Séminaire qui a toujours été l'objet de ses soins attentifs, même lorsque le Club révolutionnaire avait envahi sa Maison à Issy les Moulineaux. Auparavant il avait été emprisonné une vingtaine de jours par le sinistre Fouché qui le soupçonnait de conseiller le Légat du Pape, au détriment de Bonaparte.
On doit aussi à Monsieur Emery d'avoir remis le Cardinal Fesch, oncle de Bonaparte, sur le droit chemin du sacerdoce ; il sera le ferme soutien du Supérieur Général de Saint-Sulpice quand sera venue l'heure d'un retour à la discipline et aux activités spirituelles. Les biens écclésiastiques avaient été confisqués, y compris ceux de la Compagnie de Saint-Sulpice.
Avec ses faibles moyens d'abord, puis avec les émoluments qu'il percevra lorsque l'Empereur l'apellera à siéger au Grand Conseil de l'Université qu'il a créé, il rachètera le Séminaire d'Issy, lui aussi volé, et le parc attenant de Lorette, lui aussi volé et morcelé.
Napoléon 1 le destituera de son poste de Supérieur Général de son "cher" Saint-Sulpice, pour avoir refusé de se désolidariser du pape Pie VII à loccasion de l'application d'aticles organiques, dont le fameux Catéchisme Impérial rédigé sous le contrôle de l'Empereur et pour avoir condamné son divorce. Se souvient-on que parmi ses lubies, le nouvel Empereur avait envisagé de faire résider de façon définitive, le Souverain Pontife à Paris où il aurait fait aménager l'archevêché, ramenant ainsi le Pape, par rapport à l'Empereur, aux doublures en violet des préfets de département comme l'écrit l'excellent biographe de Monsieur Emery, le chanoine Leflon ?
Fatigué, malade ne se soignant pas, usé par ses dizaines d'années de très grande activité, célébrant avec peine sa dernière messe, il s'alite après Pâques et donnant sa bénédiction à ses séminaristes il leur dit:" je n'ai vécu que pour l'Eglise et pour le séminaire..". Le mardi 28 avril 1811, le cardinal Fesch accourt pour recueillir son dernier soupir, à 14 h 45, heure à laquelle est réalisée la rédaction de cet article.
Monsieur Emery avait quatre vints ans.
Il repose dans le cimetière de Lorette, à Issy les Moulineaux, au milieu de ses chers sulpiciens, dans la discrétion qu'il a toujours voulue autour de sa personne et de ses actions.
L'Empereur voulait qu'il repose au Panthéon, ce que refusa, au nom de ses dernières volontés, le cardinal Fesch.
Humble toujours, il n'a jamais été proposé à la cause des Saints, il ne fait pas partie des Docteurs de l'Eglise bien qu'il entre dans la définition :" Le titre de Docteur de l'Eglise est donné à des écrivains ecclésiastiques, remarquables par la pureté de l'orthodoxie et la qualité de la science théologique".
Clichés Souvenir Chouan de Bretagne