IN MEMORIAM, MARQUIS de SURVILLE...18 octobre
Joseph - Etienne, marquis de Surville, était commandant en 1789 dans le régiment Colonel-Général de l'infanterie légère française et étrangère où il a immanquablement rencontré Louis de Frotté, le futur célèbre chef chouan de Normandie.
Il participa à "la guerre aux Amériques" sous les ordres de Rochambeau. Il s'y distingua par son intrépidité au combat.
En mai 1793, il rejoignit l'armée du Prince de Condé, son ancien colonel-général. Pour le sanctionner ses biens furent vendus par les conventionnels de Viviers.
En 1795, l'inaction lui pesant, il rentre en France et prend le maquis en Ardèche. Fait prisonnier, emprisonné à Aubenas, il s'évade et se réfugie à Lyon avant de revenir dans le Vivarais (Vivaroye en langue d'Oc: Vive le Roi).
Pour ses brillantes campagnes il est promu, le 10 juillet 1796, dans l'Ordre Royal de Saint Louis ; le ruban lui sera remis par Louis XVIII le 8 mars 1797. Mais ni le roi ni Condé ne veulent lui confier un commandement.
Le 30 septembre 1797, il prend, avec sa troupe, la ville de Pont-Saint-Esprit. Il part ensuite à Lyon, passe par la Suisse, revient en Haute-Loire puis en Ardèche.
Après un nouveau voyage, Louis XVIII ayant fait de lui son émissaire pour le Midi de la France il revient sous un faux nom mais il est arrêté près du Puy en Velay suite à une trahison pour l'argent:
« Ledit jour, 16 fructidor, sur les quatre heures du matin, ledit Jelaigue, brigadier de gendarmerie accompagné de tous les gendarmes de sa brigade et d'un détachement de la 16è demi-brigade pour lors stationnée à Craponne, se transportèrent audit lieu de Gervais, dans la maison de ladite Théaulaire, veuve Brun, où ils savaient des personnes suspectes de cachées ; Où étant arrrivés, laditte Théaulaire s'opiniâtra d'abord de les laisser entrer, en leur disant qu'ils n'avaient pas droit de venir faire des visites dans sa maison ; que ce refus ayant redoublé les soupçons de cette force armée, ils entrèrent dans laditte maison, où, après avoir fait plusieurs recherches, et étant parvenus à la chambre au-dessus du colidor, où étoit un grenier à moitié démonté, adossé au mur, et s'étant aperçu que certaines planches de ce grenier pouvaient se mouvoir à volonté, ils le tournèrent aussitôt et trouvèrent, à la partie du mur que couvrait ce grenier, une ouverture propre au passage d'un homme, laquelle ouverture conduisait dans un souterrain. Ils entrèrent et y arrêtèrent le marquis de Surville, Charbonnel- Jussac, Dominique Allier, et le nommé Robert, armés de fusils et d'espingoles, lesquels quatre individus ont été du depuis suppliciés. »
On conduisit au Puy, sous bonne garde, le marquis de Surville et ses compagnons, sans oublier Marie-Anne Théoleyre. Cette dernière, poursuivie comme leur complice devant le tribunal criminel, fut défendue par Vissaguet qui la fit acquitter, le 19 frimaire an VI.
Charbonnel fut envoyé à Lyon où il fut condamné à mort le 15 novembre 1798 et fusillé presque aussitôt. Robert subit le même sort dans le Puy-de-Dôme où il fut transféré.
Les révolutionnaires du Puy avaient eu une trop belle peur en apprenant que Surville reconstituait l'armée de La Mothe, pour ne pas le passer par les armes. Ils parlaient avec terreur, dans l'une des pièces de l'affaire, de « la crainte qu'inspiraient ces brigands inconnus », et l'annonce que leur fit soudain le général Colomb qu'une troupe royaliste marchait sur le Puy, pour délivrer ses chefs, acheva de les exaspérer.
En même temps, une lettre de la Lozère annonçait, le 21 vendémiaire an VI, « qu'une troupe de brigands était partie le 15, de Chambonas, au nombre de 1800, et qu'ils se rendaient au Puy pour délivrer Dominique Allier (curé de Chambonas et Chouan redouté), commandés par le Carme du Saint-Esprit. »
La réponse ne se fit pas attendre. Six jours plus tard, le 27 vendémiaire, avant que les troupes royalistes en marche aient pu parvenir jusqu'au Puy, Surville, jugé par une commission militaire, était condamné à mort le 17 octobre 1798.
Dominique Allier, transféré en toute hâte à Lyon, y subissait la même condamnation.
Le 18 octobre, dans la matinée, une foule immense de sans-culottes, de gardes nationaux, de troupes de ligne, gendarmerie, chasseurs et canonniers avait envahi les abords de l'église Saint Laurent pour assister à la mort de Surville.
« D'un pas assuré, il descendit l'escalier de sa prison ; sa bouche et son coeur priaient. » Il monta sur le tombereau, et, calme et souriant, traversa la rue Grangevieille en saluant les amis accourus sur son passage. Le cortège sortit du Puy par la porte Pannessac.
« Monsieur, dit-il à l'officier qui commandait le détachement, je crois inutile de vous demander un prêtre fidèle ; ce serait d'ailleurs l'exposer à de grands malheurs. Veuillez donc, s'il vous plait, m'envoyer le curé constitutionnel. » Le prêtre arrive : « Je vous plains, monsieur, d'avoir donné ce funeste exemple de prévarication ; je sais néanmoins que, dans le cas où je me trouve, je puis me servir de vous. Veuillez m'écouter. »
Le prêtre schismatique, attendri, remplit son pénible ministère. M. de Surville reçut ses consolations avec une piété et une douceur angéliques. Un sergent s'avança pour lui bander les yeux : « Comment ! dit-il, depuis ma plus tendre enfance je sers mon Dieu et mon Roi, et vous ne me supposez pas assez de courage pour voir le plomb mortel ? » Et, mettant la main sur son cœur, il s'écria : « C'est ici qu'il faut frapper ! ».
La décharge retentit et Surville tomba mort au pied du contrefort de l'église, ayant aussi reçu trois balles en pleine tête. Il avait quarante cinq ans.
Dans cette église Saint Laurent, au Puy en Velay, se trouve un gisant de Bertrand du Guesclin car y reposent ses entrailles. Bertrand a eu plusieurs sépultures: ses entrailles au Puy, ses chairs à Montferrand (Clermont-Ferrand), son coeur à Dinan, ses ossements à Saint-Denis. En effet le roi Charles V voulait qu'il soit inhumer à Saint--Denis. Mais Bertrand, mort le 13 juillet devant Chateauneuf de Randon devenait intransportable à cause de la chaleur. Au Puy, on procéda à l'ablation des entrailles qui furent inhumées dans l'église Saint-Laurent ; avant Montferrand il fallut se décider à faire bouillir le corps, seule façon de disperser le nuage de mouches qui suivait le cortège. Ses chairs furent inhumées dans la chapelle des Cordeliers - laquelle fut détruite à la Révolution et le tombeau profané.
Coïncidence des noms et des lieux: Le marquis de Surville a été fusillé de l'autre côté du mur de l'église Saint-Laurent dans lequel est inclus le tombeau de Bertrand du Guesclin, mort à Chateauneuf-de-Randon.
L'ennemi acharné des Chouans du Velay et de Surville en particulier, était le marquis de Joyeuse de Chateauneuf-Randon, traître à la noblesse, régicide, réputé pour son zèle contre sa classe et contre la religion. Etant même allé jusqu'à renier ses titres il se faisait appeler "Chateauneuf-Randon".