COMMENT HONORE de BALZAC VOIT LES CHOUANS !!!!

Publié le par culture

"La Bretagne est de toute la France le pays où les moeurs gauloises ont laissé les plus fortes empreintes. Les parties de cette province, où même de nos jours la vie sauvage et l'esprit superstitieux de nos rudes aïeux, sont restés pour ainsi dire flagrant ; lorsqu'un canton est habité par nombre de sauvages semblables, les gens de la contrée disent : les gars de telle paroisse.

Aussi leur vie garde-t-elle de profonds vestiges des croyances et des pratiques superstitieuses de l'ancien temps. Là, des coutumes féodales sont encore sauvegardées. Là, des antiquaires retrouvent debout les monuments des druides. Là, le génie de la civilisation moderne s'effraye de pénétrer à travers d'immenses forêts primordiales. Une incroyable férocité, un entêtement brutal, mais aussi la foi du serment ; l'absence complète de nos lois, de nos moeurs, de notre habillement, de nos monnaies nouvelles, de notre langage, mais aussi une simplicité patriarcale et d'héroïques vertus s'accordent à rendre les habitants de ces campagnes plus sauvages et plus pauvres de combinaisons intellectuelles que ne sont les Mohicans et les peaux rouges de l'Amérique. Les efforts tentés par quelques bons esprits pour conquérir à la vie sociale et à la prospérité cette belle partie de la France, si riche de trésors ignorés, les tentatives du gouvernement même, meurent au sein de l'immobilité de toute une population vouée aux pratiques d'une immémoriale routine.
Ce malheur s'explique assez par la nature d'un sol encore sillonné de ravins, de torrents, de lacs et de marées ; hérissé de haies et de bastions qui font de chaque champ une citadelle ; privé de routes et de canaux ; puis par l'esprit d'une population ignorante, livrée à des préjugés et qui ne veut pas de notre moderne industrie.
Là, point de village. Les constructions précaires que l'on nomme des logis sont clairsemées à travers la contrée. Chaque famille vit dans le désert. Les seules réunions connues sont les assemblées éphémères que le dimanche ou les jours de fête consacrent à la paroisse. Ces réunions silencieuses, dominées par le recteur, le seul maître de ces esprits grossiers, ne durent que quelques heures. Après avoir entendu la voix terrible de ce prêtre, le paysan retourne pour une semaine dans sa demeure insalubre ; il en sort pour le travail, il y rentre pour dormir. S'il y est visité, c'est par ce recteur, l'âme de la contrée.
Aussi est-ce à la voix de ce prêtre que des milliers d'hommes se ruèrent sur la république, et que ces parties de Bretagne fournirent cinq ans avant ce récit (publié en 1799) des masses de néophytes à la première chouannerie.
Mais les insurrections de ses campagnes n'eurent rien de noble, et l'on peut dire avec assurance que si la Vendée fit  du brigandage une guerre, la Bretagne fit d'une guerre un brigandage.
La proscription des princes, la religion détruite, ne furent pour les chouans que des prétextes de pillage, et les événements de cette lutte intestine contractèrent quelque chose de la sauvage âpreté qu'ont les moeurs en ces contrées.
Aussi, quand de vrais défenseurs de la monarchie vinrent recruter des soldats parmi ces populations ignorantes et belliqueuses, ils essayèrent de donner, sous le drapeau blanc, quelque grandeur à ces tristes entreprises qui avaient rendu la chouannerie odieuse. Leurs nobles efforts furent inutiles, et les chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de remuer les masses peu civilisées d'un pays. C'étaient des sauvages qui servaient Dieu et le roi."

In: "Les Chouans ou la Bretagne en 1799" Honoré de Balzac, Bruxelles 1837.

 

Ces traits outranciers et peu flatteurs des Bretons et des Chouans en particulier tracés par Balzac ne gênent pas ceux qui osent encore mettre cet auteur ( romancier et non historien)  dans leurs références bibliographiques.

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