JOYEUX NOËL, NEDELEG LAOUEN
Pour les catholiques la Fête de Noël c'est non seulement la nuit du 24 au 25 décembre mais aussi durant toute l'Octave. Belle Fête de la Nativité à tous les lecteurs du Blog.
J'ai découvert sur le site Marie de Nazareth ce texte, que je ne connaissais pas, de Sartre, rédigé le soir du 24 décembre 1940 alors qu'il est prisonnier au Stalag XII de Trèves, en Allemagne, dans le Palatinat. Sartre a été fait prisonnier le 21 juin et emmené à Trêves d'où il sera libéré en mars 1941.
En ce jour du 24 décembre 1940, donc, Sartre, qui lit beaucoup la Bible à l'époque (et peut-être à cause de cela) est sollicité par des prêtres prisonniers pour écrire un texte sur la Nativité. Il écrit ce texte étonnant par rapport à l'individu qui se révèlera par la suite :
« Aucune femme n’a eu de la sorte son Dieu pour elle seule. Un Dieu tout petit qu’on peut prendre dans ses bras et couvrir de baisers, un Dieu tout chaud qui sourit et qui respire, un Dieu qu’on peut toucher et qui vit, et c’est dans ces moments là que je peindrais Marie si j’étais peintre, et j’essayerais de rendre l’air de hardiesse tendre et de timidité avec lequel elle avance le doigt pour toucher la douce petite peau de cet enfant Dieu dont elle sent sur les genoux le poids tiède, et qui lui sourit. Et voilà pour Jésus et pour la Vierge Marie.
Et Joseph. Joseph ? Je ne le peindrais pas. Je ne montrerais qu’une ombre au fond de la grange et aux yeux brillants, car je ne sais que dire de Joseph. Et Joseph ne sait que dire de lui-même. Il adore et il est heureux d’adorer. Il se sent un peu en exil. Je crois qu’il souffre sans se l’avouer. Il souffre parce qu’il voit combien la femme qu’il aime ressemble à Dieu. Combien déjà elle est du côté de Dieu. Car Dieu est venu dans l’intimité de cette famille. Joseph et Marie sont séparés pour toujours par cet incendie de clarté, et toute la vie de Joseph, j’imagine, sera d’apprendre à accepter. Joseph ne sait que dire de lui-même : il adore et il est heureux d’adorer ».
Simone de Beauvoir, sa compagne et fournisseur des appétit charnels du "philosophe", cherchera à réfuter ce texte que Sartre lui même reconnaîtra en ces termes : "Si j'ai pris mon sujet dans la mythologie du Christianisme cela ne signifie pas que la direction de ma pensée ait changé, fût-ce un moment pendant la captivité. Il s'agissait simplement, d'accord avec les prêtres prisonniers, de trouver un sujet qui pût réaliser, ce soir de Noël, l'union la plus large des Chrétiens et des incroyants".
Joyeux Noël à tous, Nedeleg Laouen !
Sartre rentrera en France après sa libération, s'installera à Paris. Il livrera des émissions pour Radio Vichy, fera jouer deux pièces devant un parterre d'officiers allemands, Les Mouches et Huis Clos, fera partie du Comité d'Epuration à la Libération. Sacha Guitry sera lui emprisonné pour avoir monté des pièces de théâtre jouées devant les Allemands.