17 JANVIER 1794, MORT DE MONSIEUR LE LOUP DE LA BILIAIS
Il y a 230 ans Monsieur Louis-Antoine Le Loup de La Biliais est guillotiné sur la place du Bouffay à Nantes.
Son crime ? Avoir protégé des prêtres réfractaires et laissé célébrer dans la chapelle de son manoir des messes proscrites par les décisions.
Mais lui seul n'est pas frappé par les décisions de La Convention et du Représentant en mission Jean-Baptiste Carrier ; sa femme et ses deux filles sont aussi frappées par la décision de Carrier.
Né le 29 janvier 1733 en la paroisse Saint Laurent de Nantes, il prit une charge de Conseiller au Parlement de Bretagne à Rennes en 1758. Lors de l'abolition des privilèges, dans la nuit du 4 août 1789 à l'instigation du Club Breton de Paris - futur Club des Jacobins - les Lois privées de la Bretagne disparurent, ainsi que son Parlement et toutes les charges y afférant. Monsieur Le Loup de La Biliais se retira sur ses terres, à proximité de Saint Étienne de Montluc en Loire-Inférieure.
Pour quelle raison cet homme respecté de tous est-il ainsi exécuté après une parodie de procès ?
Depuis le 13 septembre 1791 il est l'objet d'un harcèlement par la municipalité de Saint Étienne de Montluc "car des messes célébrées par des prêtres réfractaires sont l'occasion de grands rassemblements de cinq à six cents personnes et représentent des risques de troubles à l'ordre public. Les messes ne doivent être célébrées que dans les chapelles des lieux privés. Les prêtres concernés, les abbés Auffray, Blanchet, Bizeul et Urien sont obligés de se retirer à Nantes, sinon ils y seront conduits par la force armée".
Le 9 novembre Monsieur de La Biliais se plaignait de l'interdiction d'exercer de ces prêtres alors qu'ils étaient chapelains et non des fonctionnaires cléricaux astreints au Serment et que d'autre part ils assuraient les secours spirituels aux nombreuses personnes misérables qu'il faisait travailler sur ces terres et auxquelles il assurait pain, travail et logement.
En 1792, nouvelles persécutions. Mais entre celles-ci, il y a des jours paisibles quand même.
Le 18 avril 1793, pour réparer les dégâts causés au District par les premiers Révoltés, Monsieur de La Biliais est contraint de verser 10 mille francs sur les 35 mille de contribution infligés à la commune de Saint Étienne.
Malgré toutes ces vexations qu'il subit courageusement, Monsieur Le Loup de La Bilais est l'objet d'une dénonciation auprès de la Garde nationale de Savenay le jeudi 28 novembre 1793: les mouchards auraient vu, dans les ténèbres, un prêtre s'introduire dans le château de La Biliais.
Vers onze heures, les soldats arrivent, fouillent la maison, ne trouvent rien dans un premier temps puis trouvent dans le pavillon, à gauche sur le cliché, un portefeuille contenant des papiers religieux "et des insignes du fanatisme et de la superstition" (des images du Sacré-Cœur). Sommé de dénoncer le prêtre, Monsieur de La Biliais refuse.
Monsieur Le Loup de La Biliais, sa femme et leurs deux filles sont alors faits prisonniers et emmenés, ligotés, vers la maison commune, ancien presbytère où "règne" Jourdan, curé apostat, dénonciateur et ennemi de la famille Le Loup dont trois fils ont émigré. Seul le plus jeune a pu échapper à la rafle et se réfugier, avec l'abbé Camaret, dans la cache du pavillon.
On imagine leurs regards vers la maison du bonheur dont ils ignorent qu'ils ne la reverront jamais.
Le lendemain ils sont emmenés, toujours ligotés, à Nantes. Monsieur de La Biliais est emprisonné aux Saintes Claires (cette prison qui pouvait contenir de 400 à 500 personnes se situait en face de l'actuelle mairie de Nantes ; la statue du maréchal Leclerc marque l'extrémité du terrain du monastère).
Devant ses juges Monsieur Le Loup parla avec grande fermeté disant ignorer qu'un prêtre soit entré chez lui durant la nuit, qu'il n'avait aucun témoin contre lui et que "sans en produire, on ne condamnait personne à la peine capitale". L'ancien magistrat ignorait que la justice présente n'avait plus rien à voir avec la Justice qu'il faisait appliquer du temps du Parlement de Bretagne. Le décret du 11 avril 1793 était passé par là : ceux qui recelaient des prêtres réfractaires étaient condamnés à la même peine qu'eux: La mort !
La sentence de mort fut prononcée dans l'après-midi et exécutoire dans les vingt quatre heures.
Monsieur de La Biliais rédigea une belle lettre à sa femme dans laquelle il dit son chagrin d'être séparé, sur cette terre, d'elle et de ses enfants, et des craintes qu'il avait pour elle.
Louis-Antoine Le Loup de La Biliais rendit son âme à ce Dieu en qui il avait toujours cru, place du Bouffay à Nantes, le 17 janvier 1794 à 10 H il y a 230 ans. Il allait avoir 61 ans.
En fouillant le manoir on trouva aussi, circonstance aggravante, des images du Sacré-Cœur, images du fanatisme !
Gloire à la république !