BATAILLE DE LOCMINE, 29 (ou 28) OCTOBRE 1799, 8 (ou 7) BRUMAIRE AN VIII
Mardi 29 octobre 1799, 8 brumaire An VIII il y a 220 ans ; le saint républicain du jour est la scorsonère (ou figue selon la date que note l'officier d'Etat-civil dans la rédaction de l'acte de décès ; voir plus bas). A Montaigu les royalistes sous les ordres de Suzannet ont échoué.
A Locminé cela va être une mauvaise journée pour les Bleus commandés par le capitaine Ferry. Les Chouans commandés par Pierre Guillemot, Roué Begnen – le Roi de Bignan -, commandant les opérations, à la tête de 2000 Chouans, fait attaquer le bourg, dès sept heures du matin, par trois côtés à la fois. Le 2ème bataillon dit de Pluméliau commandé par Guillôme et Mathurin Le Sergent attaque par les routes de Baud et de Pontivy. Pierre Guillemot secondé par son fidèle Le Thieis (improprement appelé l’abbé alors qu’il n’a fait que quelques années de séminaire), à la tête du 1er bataillon dit de Bignan arrive par la route de Vannes, au sud ; la ville comporte pour sa défense un bataillon de troupes de lignes, une compagnie de Gardes mobiles et un escadron de gendarmerie, une centaine d’hommes.
Julien Guillemot raconte (Lettre à mes neveux) : « Les Républicains avaient pris position dans les halles et dans les maisons environnantes ; mais, mes chers neveux, il se passa dès le commencement du combat, un trait que je ne veux pas vous laisser ignorer. À peine le bataillon de Pluméliau eut-il commencé le feu, qu'un sous-officier, un mulâtre, se présente sur la place et porte un défi, à la baïonnette, au plus brave des Chouans. À l'instant, et comme par enchantement, le feu cesse et le silence règne ; mais Mathurin Le Sergent ne fait pas attendre le provocateur ; il croise la baïonnette, s'élance vers lui et, en moins de deux minutes, il l'étend à ses pieds, et crie en avant à son bataillon. Alors recommence le combat ».
La « furia » chouanne lance l’assaut et les Bleus, culbutés, vont se réfugier dans le cimetière qui, à l’époque, entourait l’église Saint Sauveur attenante à la chapelle Saint Colomban. Leur lieutenant, Antoine Valois âgé d'environ quarante ans originaire de Paris, est tué dès le début de la bataille ce qui désorganise les soldats qui prennent la fuite. La route de Vannes étant bloquée par les troupes de Gomez (d’Elven) les Bleus fuient par la route de Baud et à travers champs poursuivis par les Chouans. Dans le registre d'Etat civil de la commune de Locminé l'officier municipal, Noël Toussaint Pierre Debroise note le décès de sept soldats de la garnison (outre le lieutenant Valois, le caporal Simon Grégoire, le fourrier Gauthier et trois inconnus. Autre information de cette déclaration de Debroise faite le 8 brumaire An VIII il situe "cette action la veille sur le coup de six heures trois quarts du matin". Donc le 7 brumaire An VIII, 28 octobre 1799.
Après avoir pillé les réserves alimentaires des Bleus et emporté la caisse de la municipalité, dont le maire est Jean Lebouhellec, les Chouans regagnent leurs pénates. Pierre Guillemot relâche les prisonniers contre promesse de ne plus se battre contre les Chouans.
Julien Guillemot écrit : « Il fut fait près de cent prisonniers, dont plusieurs appartenaient à la colonne mobile, auxquels il était impossible de faire grâce, tant le peuple était exaspéré contre ces scélérats, qui s'étaient livrés à tous les crimes dans les campagnes. Les soldats appartenant à la ligne furent renvoyés après avoir juré de ne plus porter les armes contre les Royalistes ».
Les Bleus rapportent différemment : « Le 7 brumaire (le 8 en réalité), vers sept heures du matin, une troupe d'environ 3 000 brigands se porta à l'improviste sur Locminé et s'en empara, malgré la résistance de la garnison. 8 militaires de la 58e ont perdu la vie, dont un lieutenant, qui fut percé d'une balle, après avoir renversé un brigand sous ses coups. La garnison était de 100 hommes ; il ne s'en sauva qu'environ 25 avec la brigade de gendarmerie. Les brigands emmenèrent le reste comme prisonniers, ainsi que 7 chasseurs à cheval et tous les jeunes gens de Locminé. Ils emmenèrent aussi les chevaux des chasseurs tout équipés après avoir attaché à la queue de ces chevaux les écharpes des officiers municipaux. Les brigands, avant de quitter Locminé, se sont livrés à différents excès, ont fait contribuer plusieurs particuliers et on pillé la caisse du contrôleur. Ils sont revenus la nuit chercher l'officier de santé pour soigner leurs blessés, qu'on dit nombreux ».
Les chasseurs du 2e régiment, rescapés de la bataille, renvoyèrent le rapport suivant le 3 novembre : « Locminé fut attaquée ledit jour, sur les 7 heures du matin, par environ 2 000 brigands commandés par Guillemot dit le Roi de Bignan. La garnison, composée d'environ 80 hommes, était casernée. Une garde de 20 hommes était distribuée dans les différents postes. Le premier coup de fusil fut tiré, sur la route de Josselin, sur le factionnaire. Au même instant, on était attaqué sur la route de Vannes et le bourg était cerné. Malgré la résistance qu'opposa le corps de garde de la place, l'infanterie fut en partie surprise dans ses lits et, au bout de trois quarts d'heure, tout était fini à l'avantage des brigands. Quelques chouans et une vingtaine de républicains ont été tués ou blessés mortellement. 13 chasseurs à cheval avec leurs chevaux et 34 hommes d'infanterie ont été faits prisonniers. Du nombre de ces derniers, sept, qui étaient blessés, ont été renvoyés le jour même ; le surlendemain, deux. Les autres ont été renvoyés le même jour que les chasseurs. Il n'est point de moyens de séduction que (les brigands) n'aient employés pour déterminer les prisonniers à servir avec eux. Les habitants de la campagne, dans les communes ci-dessus désignées, sont tous de leur parti... Tous paraissent bien armés, forts contents de leur métier, dansent, boivent et semblent braver la misère qui les accable ».
Quel bilan au final ? Difficile à dire sinon la joie dans les campagnes, ce qui est une bonne chose par ces temps lugubres. Il est possible aussi que les Chouans aient débauché une partie des prisonniers pour les embaucher chez eux.
Si l’occupation n’a duré que quelques heures elle a surtout causé une grande démoralisation des Bleus. Ce qui est une sorte de victoire !
il faut signaler la répercussion sur les habitants de ces évènements. La population qui était de 1685 habitants en 1793 descend à 1440 en 1800 soit un déficit de 245 personnes.
D’autant que précédemment Georges avait échoué devant Vannes le 26 octobre.
Cette petite victoire doit mettre du baume dans le cœur des Révoltés car, déjà, dans la nuit du 26 au 27 octobre les Chouans des Côtes du Nord ont attaqué Saint Brieuc et principalement la prison pour en libérer des Chouans, des officiers, Madame de Kerilis condamnée à mort et des proches. L’attaque est commandée par Pierre Mercier La Vendée, François Le Nepvou de Carfort, Guillaume Le Gris Duval et Saint-Régent à la tête de 800 hommes divisés en six colonnes.
En face 335 hommes commandés par le général Raphaël de Casabianca, un Corse, Celui-ci ne bougera pas de ses quartiers prétextant que, arrivé la veille, il ne connaît pas la ville. Les chouans arrivés sur le coup de minuit portent des chemises par-dessus leurs vêtements de façon à mieux se reconnaître. L’attaque est fulgurante, le poste de guet submergé et la sentinelle égorgée ; l’hôtel de ville est investi et ses occupants faits prisonniers. La prison investie donne la liberté à 247 détenus dont Mme de Kerilis. Les Chouans mettent la main sur le Procureur de la commune Jean-François Poulain de Corbion et le fusillent contre un mur de la cathédrale, ce qui n’était pas forcément nécessaire.
A sept heures du matin les Chouans rebroussent chemin ramenant les 247 libérés, de la poudre des munitions et des armes ainsi qu’un canon. Les combats ont fait 9 morts et 30 blessés chez les Bleus. Les Chouans déplorent 5 morts et un blessé.
Facile d'imaginer leur joie et leur fierté ! Dommage qu'il y avait un intempérant chez eux ; surtout que c'était celui qui était chargé de ramener la caisse publique ! Qu'il a oubliée !
Dans La Revue 48 de décembre, l'attaque du Mans par Bourmont et celle de Nantes par Pierre-Louis Godet de Châtillon.