PICPUS 1994, HOMÉLIE DE MONSEIGNEUR BRINCART

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PICPUS 1994, HOMÉLIE DE MONSEIGNEUR BRINCART

C'est par les hasards du rangement que j'ai retrouvé cette belle homélie de Monseigneur Henri Brincart, évêque du Puy en Velay, donnée en la chapelle de Picpus le 14 juin 1994, pour le deux centième anniversaire de la création des fosses destinées à recevoir les corps des suppliciés de la place de la nation. Ce texte est d'une actualité étonnante 23 ans plus tard !

Monseigneur Brincart est né à Savennières (49) le 18 novembre 1939 ; ordonné prêtre en 1975 après son grand séminaire aux Carmes à Paris. Sacré évêque du Puy en Velay en octobre 1988, il est décédé le 14 novembre 2014 et inhumé dans la crypte de sa cathédrale. Rencontré avec plaisir le 15 août 2007.

 

Ce n'est pas sans une profonde émotion qu’en cette chapelle où nous sommes venus prier et participer au sacrifice Eucharistique, nous avons entendu l'Apocalypse nous dire : « j'ai vu une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples, langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l'Agneau, en vêtements blancs avec des palmes à la main » (Ap. 7,9).

Comment ne pas évoquer le souvenir de tant de personnes, victimes de la folie des hommes et dont les corps ont été jetés, après un affreux supplice, dans des fosses communes, toutes proches d'ici ? Leurs noms sont inscrits sur les murs de cette chapelle. D'âges et de conditions différentes, si les victimes qui reposent à Picpus ont su affronter la mort avec sérénité et avec courage. Nous prions pour elles, demandant que leur noms soient inscrits dans les cieux. Nous unissons notre intercession à celle de la congrégation des Sacrés-Cœurs, fondée au lendemain de la tourmente révolutionnaire pour assurer une adoration perpétuelle en faveur des victimes, de leurs bourreaux et de l'unité spirituelle de la France.

Mais ce soir, nous voulons aussi élargir notre prière à tous ceux et celles qui, en ces temps incertains, sont à nouveau victimes de la violence et de l'injustice des hommes. Comment ne pas songer ici aux effrayants massacres qui ensanglantent le Rwanda et tant de pays du monde ?

Comment ne pas demander à Dieu la conversion des cœurs en commençant par le nôtre ? Sans cette conversion, en effet, la paix ne régnera, ni dans notre pays, ni dans le monde. Penser que la paix est le fruit de la seule industrie humaine, c'est faire preuve d'une grande ignorance. La paix est avant tout un don de Dieu que nous devons implorer avec humilité et confiance. Et la paix de Dieu nous est offerte dans l'Eucharistie où le Fils Bien-Aimé, Jésus crucifié et glorifié, présente au Père, en faveur de l'humanité, un sacrifice de louange, de réconciliation et d'action de grâces. À chaque messe, l'Agneau de Dieu qui porte le péché du monde, invite l'Eglise tout entière, à se plonger dans son adoration salvatrice. C'est pourquoi, avec l'unique Sauveur du monde, nous disons : « louange, gloire, sagesse et action de grâces, honneur, puissance et force, à notre Dieu pour les siècles des siècles » (Ap. 7,12).

 

Chers amis, de grands périls guettent notre époque qu'un vent de folie agite à nouveau. Sommes-nous conscients de la gravité de l’heure ? Ne cherchons-nous pas plutôt à nous étourdir ? Ne fuyons-nous pas trop souvent nos responsabilités ? Je n'ai point l'intention de sonner le tocsin. Mon seul désir est de provoquer un réveil bénéfique.

 

En tout cas, permettez-moi de vous dire que je trouve d'étranges ressemblances entre cette décennie et la période qui a précédé la révolution.

 

À la fin du XVIIIe siècle, peu avant que n'éclate l'orage révolutionnaire, une partie de la société française, surtout dans ses élites, oubliait ses devoirs et brocardait les traditions humaines et chrétiennes qui avaient, en d'autres temps, fait son illustration et contribué à sa cohésion. Le marquis de Ségur, dans un passage de ses mémoires, décrit, sans complaisance, l'état d'esprit de certains milieux à la veille de la révolution : « nourris dans les principes d’une monarchie militaire, élevés dans l'atmosphère éblouissante de la Cour, imbus de pieuses maximes mais entraînés par la licence d'un temps où la galanterie était presque une vertu, excités par les écrits philosophiques et les discours parlementaires dans le sens d'une liberté idéale, nous désirions jouir tout à la fois, des faveurs de la Cour, des plaisirs de la ville, des applaudissements des philosophes et des hommes littéraires, de la faveur des dames et de l'estime des gens de bien. Si bien qu'un jeune homme pensait, parlait et agissait tour à tour comme un Athénien, un Romain, un paladin, un croisé, un parisien, un courtisan, un disciple de Platon, de Socrate et d’Epicure ». Reconnaissons-le, les secousses qui ébranlent les communautés humaines sont souvent précédées par de graves désordres dans les esprits.

L'intégralité de cette homélie, qui contient de beaux passages, dans La Revue du SCB de décembre.

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