CE SOIR, LA CARICATURE DES CHOUANS SUR LA CHAÎNE "HISTOIRE".
Sorti en salle le 23 mars 1988, catalogué comme "film historique" (pas moins) ce film de Philippe de Broca, n'est pas déplaisant à regarder grâce aux acteurs et aux techniques utilisées ; en particulier le panoramique (dimensions un peu moindre par rapport au cinémascope) la qualité de l'image, les lieux : en particulier Belle-Ile, les côtes de Baden, l'Argouët à Elven, Locronan, Quistinic et le château de La Villeneuve-Jacquelot (où il y eut effectivement des épisodes de la vraie Chouannerie en particulier avec La Couronne, Pierre de Rémond du Chélas ; le tout soutenu par la musique de Georges Delerue qui fut le premier compositeur musical de la Cinéscènie du Puy du Fou.
De belles images, de beaux endroits mais un scénario complètement "les Chouans vus par les parisiens" et peut-être aussi par d'autres.
Le 11 avril 1988, Presse-Océan sous le titre Le film "Chouans" controversé publiait la réaction des historiens de Chouannerie, pas contents :
Plusieurs intellectuels bretons adressent une lettre ouverte à Philippe de Broca.
Le film « Chouans » actuellement projeté sur les écrans de notre région ne fait pas l'unanimité. Loin s'en faut. Superbement réalisé sur le plan technique, il donne de la chouannerie une vue à tout le moins arbitraire.
Entretenant de larges confusions avec la guerre de Vendée au sud de la Loire, présentant les prêtres d'une manière caricaturale et blessante et certains chefs aristocrates comme des voyous, ce film est tout à fait contestable sur le plan historique.
Dans une lettre ouverte qu’ils viennent d'adresser à Philippe de Broca, le réalisateur, et à Ariel Zeitoun le producteur, plusieurs artistes et écrivains bretons (Henri Caouissin, le Père Chardronnet, François Marquer, Michel de Mauny, Charles Le Quintrec, Jean Rieux et Reun An Honseng) disent leur façon de penser. Leur « lettre ouverte » à des allures de réquisitoire. Nous en publions ci-après quelques extraits :
« Vous avez osé, Messieurs, intituler votre dernier film « chouans ».
Nous comprenons qu'à la veille du bicentenaire, un sujet sur la révolution était de nature à faciliter la réalisation d'un film. Nous comprenons encore mieux qu'il vous fallait ménager les gardiens du Temple. Encore fallait-il ne pas porter atteinte à la mémoire des Chouans qui n'ont rien à voir avec votre « œuvre ».
Vous présentez les chouans comme des êtres superstitieux, clouant les chouettes sur leurs portes avant d'en faire de même avec les Bleus, ignares, ne sachant pas lire, mi-bêtes, pillant, torturant, tuant leurs frères.
Le prêtre réfractaire est un fanatique hystérique, assoiffé de sang, le prêtre jureur un obèse, obsédé de nourriture ; les nobles qui les mènent : un vieillard gâteux, sa femme nymphomane, un réactionnaire sadique, un jeune coq uniquement motivé par une histoire de fesses. Quant à la religion, ce n'est bien sûr qu'un leurre.
On pouvait croire que ces images grossières de la Chouannerie appartenaient à une époque révolue. Elles sont à la hauteur de votre ignorance historique. Car votre film est bourré d'erreurs et d'invraisemblances…
Votre film est une contrevérité historique et une insulte à la mémoire des Chouans Bretons, paysans, ouvriers, artisans pacifiques qui ne prirent les armes que contraints et forcés, après trois années de vexations, humiliations, interdictions, pour défendre leurs libertés, dont celle universelle et fondamentale de conscience.
Vous les méprisez en leur refusant la capacité d'une libre et profonde adhésion à la religion, représentée par un clergé de campagne infiniment digne et compétent.
C'est pourquoi, nous, historiens écrivains bretons, protestons solennellement contre une œuvre qui, une fois de plus, présente une image caricaturale, fausse, abusive et travestie de la Bretagne et en particulier des Chouans Bretons, combattants des libertés.
Pendant le tournage, en 1987, Le Télégramme avait publié un article qui se terminait par :
Les clichés abondent, ainsi la scène de la messe dite par le prêtre réfractaire sur un dolmen. Le scénario manque de subtilité et les personnages sont traités à gros traits. Lambert Wilson en Saint-Just breton, Sophie Marceau en institutrice révolutionnaire, Stéphane Freiss en chef de la réaction parce que son amour est contrarié, et Philippe Noiret, comte de Kerfadec, inventeur du vélo et de l'aéroplane, sont les principaux protagonistes de cette fresque qui ne sert ni le cinéma, ni l'histoire.