ATTAQUE D'ELVEN PAR LES CHOUANS DE GEORGES CADOUDAL...
Le 6 novembre 1795, le général Lemoine adresse cette lettre au général Rey, en charge du commandemant de l'Armée des Côtes de Brest, après le départ de Louis-Lazare Hoche le 24 juillet 1795, au sujet de l'attaque d'Elven par les Chouans de Georges Cadoudal le mercredi 4 novembre :
Le poste d'Elven, composé de cent cinquante grenadiers du second bataillon de l'Ain et des sapeurs du deuxième bataillon, a été attaqué, le 4 de ce mois, par un rassemblement des communes voisines, que l'on porte au nombre de sept à huit mille hommes.
La sentinelle du poste avancé, voyant des hommes armés s'avancer, crie : Qui vive ? On répond : Républicains français. Le caporal, qui se présente pour reconnaître, est tué. Au même instant, les Chouans pénètrent de toutes parts dans le village, en criant vive le roi, en avant les chasseurs du roi.
Toutes les rues étaient encombrées de cette foule avant que la troupe eût eu le temps de sortir de ses casernes pour se réunir. Alors un feu très-vif se fait entendre. Les grenadiers, bloqués dans leur caserne et décidés à s'y défendre vaillamment, occupent toutes les fenêtres. On les somme de se rendre et de livrer leur commandant, avec la promesse de ne leur faire aucun mal et même de les récompenser généreusement. Ils répondent à cette proposition, qui les indigne, par un feu très-vif qui met beaucoup de Chouans hors de combat. Le feu se soutient longtemps avec la même activité.
Les brigands font une seconde sommation, demandant toujours qu'on leur livre le commandant ; le feu redouble. Alors ils essaient de mettre le feu à la caserne. Un de leurs chefs s'avance avec une botte de paille enflammée, il est tué...
Cependant le capitaine était dans une maison à côté de la caserne, il ne pouvait en sortir sans courir le risque d'être égorgé. Il avait dans sa chambre quatre-vingt paquets de cartouches. Quinze grenadiers, voyant les brigands ébranlés, font une sortie, la baïonnette en avant, pour aller le délivrer. Sept sont tués ; le reste blessé est obligé de rentrer dans la caserne.
Dans ce moment, un chef de brigands s'approche de la caserne, un grenadier l'ajuste et le tue. La perte de ce chef, qui sans doute était un homme de marque, jette la consternation parmi les brigands qui s'empressent de l'enlever et de faire leur retraite.
Nous avons à regretter dans cette affaire treize hommes tués et vingt-huit blessés. On ne peut donner trop d'éloges à la brave compagnie des grenadiers et au capitaine Cerdon qui la commande. Le poste d'Elven est toujours resté en notre pouvoir. »
Cette attaque confirme le fait que malgré le désastre de Quiberon le moral des Chouans n'est pas abattu. Bien au contraire !
Venant de la région de Plaudren et de Lizio, où Georges a un Q.G. situé au château de Beauchesne, renforcés par les Chouans de Pierre Guillemot - celui-ci étant toujours hors de combat après l'explosion de poudre noire mise à sécher dans une poêle (22 morts) - les Chouans traversant le ruisseau de Kerbiler ont emprunté ce chemin creux (encore très bien conservé) et ont attaqué le bourg par le bas de l'église cernant le bâtiment qui servait de poste de gendarmerie et de caserne - l'actuel Lion d'Or - faisant des pertes chez les Bleus mais la perte d'un chef leur fit quitter le terrain.
Dans le combat les Chouans perdirent 11 tués et plusieurs blessés ; les Bleus 13 tués, dont le capitaine Cerdon, et 28 blessés. Les Chouans étaient pourtant 400 - d'après Jean Rohu - et les Bleus seulement 150. Malgré sa bravoure, le combat n'en finissant pas, Georges décida le retrait craignant l'envoi de renfort du général Rey, depuis Vannes.
Il faut noter le côté marseillais - au sens galéjade - du général Louis Lemoine, pourtant né le 23 novembre 1764 à Saumur, département du Maine et Loire, qui parle de 7 à 8.000 Chouans ! Lemoine, plus tard, recevra de Napoléon la Légion d'Honneur.
Lors de sa défense de la place de Lunéville en 1814, pour l'Empereur, apprenant la destitution de celui-ci, il se mettra au service de la Restauration, rendra la place et, peu après, sera fait Chevalier de Saint Louis par le roi Louis XVIII, oublieux ou mal informé de la conduite de Lemoine en 1795 dans l'après Quiberon et des plusieurs centaines d'exécutions.
Sic transit gloria mundi, ainsi passe la gloire du monde comme disaient les Latins !