MERCREDI 30 JANVIER 1793, MORT DU MARQUIS DE LA ROUËRIE

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Armand Charles Tuffin, marquis de La Rouërie, est le premier mort royaliste suite à l'exécution de Louis XVI le 21 janvier.

Depuis le 12 janvier, il s'est réfugié au château de La Guyomarais, à une trentaine de kilomètres au Nord-Ouest de Dinan, étant pourchassé par les troupes de la Convention informée de la création de l'Association Bretonne et du danger qu'elle représente pour la révolution. (Notons que l'Association Bretonne existant à l'heure actuelle n'a absolument rien à voir, en tant que cercle littéraire et de conférences avec l'organisation guerrière et politique du Marquis, aux origines de la Chouannerie).

Il n'a pas quarante deux ans et pourtant une vie très bien remplie.     

 Copie-de-LA-ROUERIE-MANOIR-copie-2.JPGNé à Fougères le 13 avril 1751, il a passé toute son enfance au château familial de La Rouërie, à Saint-Ouen-La-Rouërie à 20 Km en dessous du Mont Saint Michel. A quinze ans il quitte Saint Ouen pour Versailles où il entre dans les Gardes Françaises. Très jeune il a montré un net penchant pour les bagarres et leur commandement. Quoi de mieux que les Gardes Françaises pour canaliser ces dispositions ? Pourtant, au bout de quelques temps, l'inaction lui pèse, il cherche le guilledou, devient père, se bat en duel ; le roi Louis XVI le menace de pendaison pour y avoir blessé un de ses amis. Armand part en Suisse. Absout quelques temps après par le Roi, à condition de se retirer sur ses terres, la marquis revient en Bretagne.

 Initié dans les Loges (Aimable Concorde, Parfaite Union), il s'intéresse au soulèvement des Insurgents aux Amériques, trouve un embarquement à Nantes et le 13 avril 1777 débarque au Delaware et fait ses offres de service. Il demande à abandonner son nom et son titre ; il sera appelé "colonel Armand".

Il accumule les succès militaires, de beaux états de service et les félicitations:"Je certifie que le colonel Armand a servi, avec son corps, pendant plusieurs mois, et s'est conduit dans toutes les occasions comme un officier brave et prudent. Il ne m'a été porté aucune plainte de la part des habitants contre aucun homme de sa troupe pour quelque sujet que ce soit"déclare le général Scott, adjoint de Washington. Et de Washington lui-même:"Le colonel Armand est un officier de grand mérite, ce qui, ajouté à sa qualité d'étranger, à son rang dans la vie, et aux sacrifices financiers qu'il a consentis, fait un point d'honneur et de justice de continuer à lui accorder les moyens de servir honorablement". Il faut souligner qu'il soutient le combat et celui de ses hommes de ses propres deniers !

Il rentre en France en 1781 et se présente au Roi pour faire valoir ses états de service ; il est confirmé dans son grade de colonel de Dragons et, en plus, Louis XVI le fait Chevalier de l'ordre militaire et royal de saint Louis. Rentré à Saint Ouen La Rouërie, il vend des terrains, il en hypothèque d'autres de façon à financer ses troupes aux Amériques où il arrive en juin 1781.La guerre d'indépendance se termine par le Traité de Paris, le 3 septembre 1783 ; Armand Tuffin de La Rouërie, qui a été fait brigadier-général rentre en Bretagne en juin 1784.

Il ramène, entr'autres, des tulipiers que l'on voit toujours, à gauche du château de La Rouërie. Il ramène aussi la médaille des chevaliers de l'ordre des Cincinatti, association créé par Washington pour ceux qui se sont battus pour l'indépendance des Etats-Unis (Cincinnatus est ce laboureur romain que le Sénat vint chercher pour mener les armées et qui, une fois la victoire acquise, rentra chez lui et fit de son épée un soc de charrue).

Vrai soldat aux titres de gloire plus éminents que ceux de glorioles d'un Lafayette (combattant de lit comme le dit Reynald Secher) il a oeuvré sur le terrain dans des conditions magnifiques: Il est, hélas!, moins connu que l'encensé du cimetière de Picpus, y compris dans sa propre Bretagne.

Il vise un projet de rejoindre la Prusse, pour étudier l'armée des Prussiens, mais son épouse est gravement malade de troubles pulmonaires. Un médecin réputé, Valentin Chevetel, va s'occuper de sa santé et lui conseiller une cure à Cauterets où elle meure.

Armand Tuffin décide de rester en Bretagne. Il chasse. Mais cela n'est pas suffisant pour ce non inactif. Dans le conflit opposant Versailles au Parlement de Bretagne, il s'engage pour La Chalotais, son Président qui estime les ordres de Versailles contraires aux accords de 1532 (taité d'Union à la France). Une délégation de douze députés, dont il fait partie, va à Versailles exprimer le désaccord des Bretons au Roi qui refuse de les recevoir. Ils restent à Paris, pour attendre le bon vouloir de Sa Majesté: le 14 juillet (!!!) 1788, la délégation est "embastillée" ; le séjour n'est pas trop pénible: on leur livre 240 bouteilles de vin et même un billard ! Le 25 août, le ministère Brienne tombe ; ils sont libérés. Leur arrivée en Bretagne est un vrai triomphe.

Et ce qui est surprenant dans sa réaction aux évènements nouveaux qui submergent alors le royaume, lui le combattant aux Amériques pour la révolution anglaise anti Anglais, c'est que son sens libéral des idées, developpées par sa franc-maçonnerie, va achopper sur la décision des députés bretons qui, en faisant adopter l'abolition des privilèges (lois privées), entraînent l'abolition des accords de 1532. Décision illégale car non soumise au Parlement de la Bretagne, Etat de plein droit, uni à la France.

Avec le comte Ranconnet de Noyan, il décide de créer une Association pour la Défense des Lois Particulières de la Bretagne: ce sera l'Association Bretonne, la matrice de la chouannerie. Il leur faut un appui politique ; Louis XVI manque de puissance, entouré comme il est par les révolutionnaires. Un contact est pris auprès du comte d'Artois (futur Charles X) à Coblence. Contact décevant. Rentrant à Paris, Armand et ses compagnons logent chez Valentin Chevetel qui, à La Rouërie, était devenu un ami. Lui faisant confiance, le marquis le fait entrer dans la confidence. Le malheur est que Chevetel s'est rapproché des révolutionnaires, en particulier de Danton et "balance".

Dans chaque ville de diocèses bretons, il met en place un vrai réseau de conseils exécutifs chargés du recrutement de combattants, les grades étant remis en fonction des compétences et non des titres. Il dénonce la Constitution Civile du clergé, les impôts multipliés par trois, la pauvreté qui s'aggrave. Le soulèvement prévu pour l'automne 1792 est repoussé, à cause de l'accrochage de Valmy, au 10 mars 1793. La Rouërie reste en Bretagne. Chevetel participe à tous les préparatifs, renseignant utilement Danton.

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Armand Tuffin de La Rouërie et ses amis, dont son fidèle Saint-Pierre chevauchent dans des conditions pénibles. Saint-Pierre attrape une pneumonie, puis Armand. Ils se réfugient à La Guyomarais, à 30 km de Dinan. Le 24 janvier, les Bleus sont à leur recherche. Monsieur de La Guyomarais les cache dans une ferme. Si Saint- Pierre est guéri, l'état du marquis empire.

Le 25, le journal arrive et le marquis en demande la lecture, pour savoir où en est le procès du Roi. Saint-Pierre édulcore les nouvelles. Pressentant les évènements, le marquis demande un verre d'eau à Saint-Pierre qui  va le chercher en oubliant le journal.

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Alors Armand Tuffin lit la terrible nouvelle:"Ils ont osé faire ça!". Il s'effondre, anéanti, et va passer quatre jours de délire, de prostration, d'extême agitation.

Il meurt le 30 janvier vers cinq heures du matin.

Aujourd'hui, en ce 220 ème anniversaire de tristesse, deux fidèles membres du Souvenir Chouan de Bretagne sont allés déposer un bouquet de fleurs, blanches et rouges, sur la tombe de cet homme hors du commun, ce soldat abattu parfois,  battu jamais.

"Armand Tuffin de La Rouërie, un aristocrate breton, un personnage vraiment extraordinaire qui joignait aux passions les plus fortes un esprit souple, au machiavélisme de l'aristocratie un talent de négociateur, et à l'intrépidité du soldat les vues d'un grand général, fut l'auteur principal de cette stupéfiante conspiration. Après avoir conçu le plan intégral, son vaste génie en a prévu jusqu'au plus infimes détails. Il en préparé l'exécution avec une habileté réellement incomprarable".

C'est un révolutionnaire, Claude Basire,  futur guillotiné, qui rend cet hommage à Armand Tuffin, marquis de La Rouërie, colonel Armand pour les Insurgents.




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