Liban, un arbre déraciné, 4 morts.
France, un arbre déraciné, 66 morts.
Des sacripants, des provocateurs, des convaincus ?
Un arbre a été déraciné à Bédoin, dans le Vaucluse. La réaction punitive a été immédiate.Il faut punir, la punition sera exemplaire.
Dans la nuit du 1 au 2 mai 1794, l'arbre de la liberté est arraché, et jeté dans le fossé au pied des remparts de la ville de Bédoin (dans le Vaucluse à une dizaine de kilomètres de Carpentras) dans le "Pré aux Porcs". Le bonnet phrygien qui coiffait cet arbre est jeté dans un puits, les affiches de la Convention sont arrachées, lacérées, piétinées.
Un jeu de rôle avant l'heure ? Des provocateurs qui veulent se venger de ce village surnommé "La Vendée du Midi" ? De farouches contre-révolutionnaires ? Un syndrome de Carpentras avant l'heure ?
La réaction va être terrible.
Le lendemain, la Municipalité débute une enquête, sans aucun résultat.Le 4 mai, Agricol Moureau, prêtre défroqué, administrateur du département du Vaucluse et Maignet représentant en mission de la Convention, ordonnent une enquête. Ils arrêtent les membres de la municipalité et du Comité de surveillance, les nobles, les prêtres (essentiellement réfractaires) et tous les suspects que l'on réunit dans l'église paroissiale. Etrange, personne ne dénonce les coupables ni ne se dénonce de ce "crime".
Maignet décrète que le tribunal criminel doit s'installer dans Bédoin pour juger les faits épouvantables.
"Considérant que la justice ne saurait donner trop d’éclat à la vengeance nationale dans la punition du crime abominable qui s’est commis à Bédoin que ce n’est qu’en frappant sur le lieu même où il a été commis que l’on pourra porter l’épouvante dans l’âme de ceux qui oseraient encore méditer de nouveaux attentats".
Cet arrêté ordonne "que le pays qui a osé renverser le siège auguste de la Liberté est un pays ennemi que le fer et la flamme doivent détruire".
Le Go (agent national) et Suchet (Chef du 4 ème Bataillon de l'Ardèche) accompagnés de leurs troupes, s'installent dans le village. Ils perquisitionnent, volent, profanent les objets de culte, la flèche du clocher est renversée.
Le 9 mai 1794, le tribunal s'installe dans la commune amenant avec lui la guillotine et trois bourreaux. Au terme du procès, 63 habitants sont condamnés à mort, 10 sont "mis hors la loi", une personne est condamnée aux fers, 13 à la réclusion et une à une année de détention. 52 personnes sont remises en liberté, mais restent soumises à l'arrêté du 6 mai
Le 28 mai 1794, le jugement est rendu sur l'emplacement de l'arbre arraché en présence des habitants, 35 personnes sont guillotinées et 28 fusillées.
Les corps dépouillés sont ensevelis dans une fosse
commune. La chapelle de Becarras, sur la route de Flassan a été bâtie sur l'emplacement de la fosse.
Le 3 juin, les soldats du 4e bataillon de l'Ardèche incendient le village.Trois modérés, André Brun, ancien maire, Louis Abril, procureur, et Pierre-Louis Ripert, ex-curé constitutionnel, sont exécutés le 27 juillet 1794.
A la demande des survivants, un an jour pour jour après ce crime, les exécutés et le village seront réhabilités et le village reconstruit. Maignet, lui, mourra dans son lit.Agricol Moureau, le renégat du sacerdoce, mourra aussi dans son lit en 1842. Gloire à la Convention !!!