M. JACQUES-ANDRÉ-EMERY, PRÊTRE FIDÈLE A L'EGLISE

Publié le par culture

M. JACQUES-ANDRÉ-EMERY, PRÊTRE FIDÈLE A L'EGLISE

IL Y A DEUX CENT DIX ANS, MARDI 28 AVRIL 1811, M. Jacques André EMERY rendait son âme à  Dieu qu'il avait tant servi, à la tête de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, en particulier durant les sombres heures de la révolution. Ces prêtres que l'on appelle "Monsieur".

Né le 26 août 1732 à Gex, près de Genève, au pied des monts du Jura, fils du lieutenant-général du bailliage de la ville, il fera ses études à Mâcon puis ensuite au séminaire Saint-Sulpice à Paris, exactement chez les Bernardins - établissement réservé aux candidats à la prêtrise, sans ressources et sélectionnés - et bien vite il révèle ses qualités de cœur, habile à argumenter, clair dans ses exposés, estimé par ses condisciples, fidèle au règlement de la Maison, modeste et clairvoyant.

Ordonné prêtre en 1756, il intègre la Compagnie en 1758 et en sera élu Supérieur Général en septembre 1782, par le Chapitre extraordinaire réuni au Séminaire d'Issy les Moulineaux après la démission brutale de M. Le Garric. Ce dernier se sentait impuissant à redresser la barre d’un séminaire parisien où le temporel avait pris le pas sur le spirituel.

Prêtre d'une haute spiritualité, ce qui pour autant ne le laisse pas «planer », il arrive à temps.Les choses s'arrangent les vocations s'élèvent ; il échouera à dissuader Talleyrant de la prêtrise.

La Révolution arrive avec son cortège de lois et décrets visant principalement l'Eglise Catholique et l'obligation du serment civique. Comment un régime laïc, puisque devenu constitutionnel le régime monarchique n'a plus sa dimension religieuse, peut-il se permettre d'intervenir dans l'organisation d'une société spirituelle. Monsieur Emery, après mûres réflexions encouragera à prêter le serment car "il n'est pas de foi".

Emprisonné longuement à La Conciergerie puis ensuite au Plessis (la réserve à guillotine de Fouquier-Tinville) il échappera de peu au supplice, comme il avait échappé aux Massacres de Septembre. Fidèle à son sacerdoce il assurera le soutien spirituel à ses co-emprisonnés, leur donnant même sa nourriture.

La tourmente passée, il va œuvrer au rapprochement entre ceux qui ont prêté le serment, divisés en plusieurs courants, ceux qui l'ont fait par conviction, ceux qui l'ont fait par intérêt, ceux qui l'ont fait pour assurer le salut des âmes. Puis il œuvrera ensuite pour la réintégration de ceux qui se sont mariés souvent avec une religieuse, pour échapper à un sort sans pitié, et pour continuer à assurer le salut des âmes, encourageant à une ré intégration rapide et digne, ce qui sera souvent refusé par certains intrus ; cette situation n'était pas aussi simple que certains, bien au chaud, veulent la juger !

Monsieur Emery arrivera à panser les plaies ouvertes par la Révolution. Le Consul Bonaparte fera appel à lui pour la rédaction du Concordat et voudra le récompenser par l'évêché d'Arras. Le Consul nommera le flamboyant abbé Bernier évêque d'Orléans en remerciement des services rendus par cet "ambitieux, complaisant à l'égard du pouvoir, sans scrupules, aux procédés personnels, mais aussi d'une intelligence, d'une souplesse, d'une ténacité merveilleuse qui se montrera dans les négociations avec Rome un grand serviteur de l'Eglise et de son pays" dixit M. Emery.

Dans un courrier à Portalis, Ministre des Cultes, Monsieur Emery exprimera son refus du siège épiscopal d'Arras. Il ne veut que s'occuper de son cher Grand Séminaire qui a toujours été l'objet de ses soins attentifs, même lorsque le Club révolutionnaire avait envahi sa Maison à Issy les Moulineaux. Auparavant il avait été emprisonné une vingtaine de jours par le sinistre Fouché qui le soupçonnait de conseiller le Légat du Pape, au détriment de Bonaparte.

On doit aussi à Monsieur Emery d'avoir remis le Cardinal Fesch, oncle de Bonaparte, sur le droit chemin du sacerdoce ; ce dernier sera le ferme soutien du Supérieur Général de Saint-Sulpice quand sera venue l'heure d'un retour à la discipline et aux activités spirituelles. Les biens ecclésiastiques avaient été confisqués, y compris ceux de la Compagnie de Saint-Sulpice.

Avec ses faibles moyens d'abord, puis avec les émoluments qu'il percevra lorsque l'Empereur l'appellera à siéger au Grand Conseil de l'Université qu'il a créé, il rachètera le Séminaire d'Issy, lui aussi volé, et le parc attenant de Lorette, lui aussi volé et morcelé.

Napoléon 1er le destituera de son poste de Supérieur Général de son "cher" Saint-Sulpice, pour avoir refusé de se désolidariser du pape Pie VII à l’occasion de l'application d'articles organiques, dont le fameux Catéchisme Impérial rédigé sous le contrôle de l'Empereur  et pour avoir condamné son divorce. Se souvient-on que parmi ses lubies, le nouvel Empereur avait envisagé de faire résider de façon définitive,  le Souverain Pontife à Paris où il aurait fait aménager l'archevêché, ramenant ainsi le Pape, par rapport à l'Empereur, aux doublures en violet des préfets de département comme l'écrit  l'excellent biographe de Monsieur Emery, le chanoine Leflon ?

Fatigué, malade ne se soignant pas, usé par ses dizaines d'années de très grande activité, célébrant avec peine sa dernière messe, il s'alite après Pâques et donnant sa bénédiction à ses séminaristes il leur dit:" je n'ai vécu que pour l'Eglise et pour le séminaire..". Le mardi 28 avril 1811, le cardinal Fesch accourt pour recueillir son dernier soupir, à 14 h 45, heure à laquelle est réalisée la rédaction de cet article.

Monsieur Emery avait quatre vingts ans.

Il sera inhumé dans le cimetière de Lorette dans le parc du Grand Séminaire qu’il avait restauré sur ses deniers, à Issy les Moulineaux, au milieu de ses chers sulpiciens, dans la discrétion qu'il a toujours voulue autour de sa personne et de ses actions.

L'Empereur voulait qu'il repose au Panthéon, ce que refusa, au nom de ses dernières volontés, le cardinal Fesch.

Humble toujours, il n'a jamais été proposé  à la cause des Saints, il ne fait pas partie des Docteurs de l'Eglise bien qu'il entre dans la définition :" Le titre de Docteur de l'Eglise est donné à des écrivains ecclésiastiques, remarquables par la pureté de l'orthodoxie et la qualité de la science théologique". 

Fin 2013 le cimetière de Lorette a été désaffecté et les précieux restes ont été transférés dans un tombeau du parc de La Solitude de l’autre côté de la rue Minard.

Je serais curieux de savoir ce que M. Jacques-André Emery pense de l’Eglise actuelle, de son pape et de certains de ses évêques ?

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :